Cyril Morin – New Dawn

New Dawn
Cyril Morin
Massive Music
2017

Cyril Morin – New Dawn

Cyril Morin New Dawn

Je ne vais même pas essayer de m’en cacher, c’est avec un immense plaisir que j’aborde cette chronique du nouvel album de Cyril Morin, New Dawn. Il est en effet des personnalités qui, en plus de nous émerveiller par leur talent, savent aussi nous mener à travers leurs œuvres dans des univers multiples et tout à fait passionnants. C’est ce qui rend d’ailleurs cette chronique à la fois si palpitante à écrire tout en la compliquant dans sa rédaction. Eh oui, comment faire passer l’idée, pourtant exacte, que New Dawn, qui est un album de jazz-fusion, est l’album le plus personnel d’un compositeur, cependant très prolifique, qui n’avait jamais exploré auparavant ce domaine ? C’est ce paradoxe, qui ne l’est qu’en apparence, qu’il va maintenant me falloir expliquer. Mais pas tout de suite. Laissez-moi d’abord vous faire découvrir Cyril Morin, ou tout au moins son œuvre, très brièvement.

En vérité, la tâche n’est pas simple, car l’homme est multiple, même dans ce qui constitue sa principale activité, la composition de musiques de films. De fait, il a à son actif plus de cent musiques de télévision, pensez aux séries Mafiosa et Borgia, et de films, citons entre autres La Fiancée Syrienne, Zaytoun, Samsara ou encore Déesses Indiennes En Colère. Les compostions de Cyril Morin, constamment brillantes et toujours pétries d’une profonde émotion, ont été récompensées dans de nombreux festivals. Sur un autre plan, il est également connu pour ses collaborations avec Mirwais, Madonna, ou encore Mankato. Il a également travaillé avec le rappeur français Kerry James, la chanteuse indienne Vidya Rao (« Song For Shunyata ») et l’américaine Zera Vaughan (« The New Seed »). C’est assez dire que Cyril Morin est curieux de tout en musique et tout aussi à l’aise dans chacun des domaines qu’il explore. Pour preuve sa carrière solo dans laquelle s’expriment ses influences multiples, citons ici Western Pansori et The Evolutionist, et dont New Dawn constitue le onzième album. Et ceci doit être urgemment complété par une mention du volet cinématographique de Cyril Morin, car l’homme est de plus réalisateur, ayant tourné jusqu’ici trois films, The Activist (2013), Hacker’s Game (2014) et NY84 (2015). Et je ne peux m’empêcher de vous toucher deux mots de ses activités de coproducteur, mentionnons ici Mitterrand l’Américain (2014) et Chirac l’Américain, ainsi que d’auteur, citons là Les Tueurs De La République. Voici donc qui vous donne l’envergure de Cyril Morin, et ça donne forcément un peu le tournis. Dès lors, quel est ce New Dawn qui, le dit-il lui-même, est son album le plus personnel ?

Cyril Morin New Dawn Band

Pour le savoir, il suffit d’écouter ce qu’en dit Cyril Morin : « J’ai eu la chance de côtoyer d’excellents musiciens dans ma vie, à commencer par les fils de grands psychanalystes des années soixante-dix. Ils étaient libres, et connaissaient tout un pan de la musique anglo-saxonne (The Allman Brothers Band, B.B. King ou encore les Rolling Stones) que j’ai découvert grâce à eux. À leur contact et grâce à leur entourage, je me suis retrouvé à porter les fûts de batterie de Jacques Thollot, le piano de François Couturier ou de Joachim Kühn, ou encore à attendre pendant des heures Archie Shepp. J’étais tout môme. Personne n’a fait attention à moi, mais j’étais aux premières loges d’un jazz débridé, libre, emprunt de musique contemporaine. J’ai eu de la chance ! New Dawn est l’album que j’aurai dû faire à 16 ans, si j’avais eu la vision et la capacité à créer dans ce sens. »

Mais en quoi ce nouvel album est-il si personnel ? De fait, New Dawn s’écoute comme un récit filmique : celui intime de sa vie entre la musique et le cinéma (Arthur And Gena), entre Paris et Los Angeles (Pacific Coast, Song for Leo, She Laughed), mais également celui de ses inspirations. Ce sont de nombreux clins d’œil aux grands noms du Jazz – Miles Davis « cité » dans « New Dawn » – ou du rock – David Bowie dans « NY Without DB » – qui fusionnent en un ensemble jazz rock (« Frame Rate ») avec autant d’hommages aux artistes ayant influencé sa carrière : Jaco Pastorius et les Weather Report (« Ballad For Jaco », « Funky Tonk Market »),  Pat Metheny (« Mental Note ») ou Jacques Thollot (« Thollot (In The Sky) »). Cyril Morin, qui joue sur New Dawn sur une guitare Gretsch Country Club et sur une basse Fender Jazz, s’est entouré d’une véritable dream team. La liste vaut le coup d’œil ! William Lecomte au piano, au Rhodes, à l’orgue et autres claviers, Bob Leatherbarrow à la batterie et au vibraphone, Julien Tekeyan aux percussions, Christophe Gauthier aux saxophones soprano, alto et baryton et Erik Poirier à la trompette.

Écoutons maintenant Cyril Morin nous décrire New Dawn : « ‘Pacific Coast’. C’est le plaisir de rouler le long de la Pacific Coast Highway en Californie. C’est une ouverture positive, en majeur, avec une note presque nonchalante. ‘Ballad for Jaco’. Un humble hommage à Jaco Pastorius, le Hendrix de la basse. C’est typique de ce que j’écoutais à 16 ans. J’ai réalisé un clip avec des vues de New York accélérées. C’est une balade avec lui à NY. ‘Mental Note’. Une longue ballade à la Pat Metheny, toute en retenue, avec une mélodie très simple comme je les aime dans les films. ‘Frame Rate’. Encore un hommage au jazz-rock des seventies. Il y a du Billy Cobham et du Wayne Shorter, dans l’air. Le solo tourne au rock/blues, ce qui est dans mes gènes de guitariste. ‘New Dawn’. C’est un hommage à Miles Davis où je copie le début de mon solo de guitare sur certains de ses solos. J’aime particulièrement le solo de piano de William Lecomte dans la seconde partie où l’on est toujours ‘on the edge’. Pareil pour le sax soprano ! ‘Song for Leo’. Une ballade avec une autre mélodie simple. Après coup, cela me rappelle les mélodies des films de Clint Eatswood. C’est pour mon fils. ‘Arthur and Gena’. C’est un petit tour dans la soul music. Le morceau est sorti comme ça et je l’ai gardé. Ça sera sans doute le thème de mon prochain film en tant que réalisateur. ‘Thollot (in the Sky) ’. Un hommage à Thollot ! J’ai d’ailleurs choisi Bob Leatherbarrow car je lui ai trouvé ce jeu de cymbales si particulier. Il y a en même temps un côté classique dans la mélodie, proche de Bach. Jacques Thollot regardait souvent le ciel quand il jouait de la batterie, tout en fumant. ‘NY Without DB’. David Bowie n’a jamais fait de jazz. J’ai souvent été à New York quand il y habitait, pensant le croiser à un croisement. La dernière fois, j’ai descendu Madison Avenue en écoutant Blackstar, il n’était plus là. C’est ce qui m’a inspiré cette ballade un peu funèbre. ‘Funky Tonk Market’. Un hommage à Weather Report et son Black Market que j’ai détourné. En même temps, le solo de guitare rappelle un peu celui ‘Let’s Dance’. Un clin d’œil à Stevie Ray Vaughan. ‘She Laughed’. C’est un clin d’œil. Le sourire léger, tout en subtilité. Peu d’instruments, aérien. »

Frédéric Gerchambeau

http://www.cyrilmorin.net/

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