Cymande – Renascence

Renascence
Cymande
BMG
2025
Thierry Folcher

Cymande – Renascence
Cymande Renascence

Pour paraphraser ce cher Palabras De Oro dans sa chronique de The Night Flight Orchestra, je dirais : « C’est décidé, mon premier album de 2025 sera… funky ! ». Mais attention, pas n’importe quel album. Je vous parle d’une résurrection, d’une renaissance, d’un retour quasi miraculeux venu du tréfonds des années 70 et dont la musique possède d’incomparables parfums afro-rock, calypso-rock, reggae, funk, soul et même nyah-rock (apparemment, le terme rasta qui conviendrait le mieux). Le groupe en question s’appelle Cymande (prononcez Sah-man-dé) et nous propose aujourd’hui, le bien nommé Renascence. De l’avis même de cette légendaire formation, ce nouvel opus reprend les choses, là où Promised Heights (1974) les avaient brutalement laissées. Il nous faut donc repartir vers ces années magiques et se rappeler au bon souvenir du groove dévastateur de « Brothers On The Slide » ou des ondulations décontractées de « Changes ». Deux facettes distinctes de Cymande que l’on retrouve intactes dans les dix nouvelles chansons de Renascence. Et si l’on remonte encore plus loin, impossible de passer à côté des énormes tubes que furent « Bra » et « The Message ». Ce dernier titre étant maintes fois utilisé pour le cinéma et fort bien samplé par MC Solaar pour son grand succès « Bouge De Là ». Voilà pour l’impact d’une formation oubliée et dont le retour fait vraiment plaisir à voir et surtout à entendre. Un demi-siècle, ce n’est pas rien et même si les deux membres fondateurs (Steve Scipio et Patrick Patterson) à l’origine du come-back ont atteint un âge canonique, force est de constater que leurs compositions n’ont pas pris une ride et ont même bénéficié d’un sacré coup de lifting difficilement comparable aux enregistrements d’antan.

Cymande est un groupe britannique, basé à Londres et composé de membres d’origine antillaise. Comment ne pas voir une certaine similitude avec Osibisa dont la moitié de l’effectif était, lui aussi, caribéen. J’ai toujours pensé que ces deux formations possédaient le même ADN et savaient comment toucher toutes les sensibilités. Dans les années 70, les courants musicaux étaient beaucoup moins cloisonnés et le public allait d’un style à l’autre sans aucun problème. La qualité était au rendez-vous de la diversité et il fallait en profiter. Par ailleurs, pour accentuer la filiation, sachez qu’Osibisa et Cymande sont tous deux référencés chez ProgArchives, ce qui prouve une belle ouverture vers d’autres auditoires. Et puis, avec un peu d’imagination, comment ne pas rapprocher les Flying Elephants d’Osibisa avec les blanches colombes de Cymande. Un monde ailé, tourné vers le ciel et le sacré, mais aussi vers la rébellion. Enfin, question popularité, il est bon de rappeler qu’au milieu des années 70, une certaine morosité politique et économique s’était installée au Royaume-Uni. Les délires du Flower Power étaient de l’histoire ancienne et la déferlante punk commençait à pousser ses premiers cris rageurs. Beaucoup d’observateurs ont même affirmé que la scène funk londonienne fut l’un des rares mouvements à sortir la tête hors du smog et à procurer un peu de joie autour d’elle.

Cymande Renascence Band 1

Le funk classique, vous connaissez sûrement, et autant vous prévenir tout de suite, Renascence ne sera pas du genre à tout révolutionner. À telle enseigne que « Chasing An Empty Dream » qui ouvre l’album, peut être directement rattaché aux œuvres précédentes ainsi qu’à de belles références du temps passé. À commencer par son intro digne du « Let’s Groove » d’Earth, Wind & Fire. Alors, pas d’hésitation, laissons le groove de Cymande remplir l’espace et la nuit en faisant revivre cette musique aux ondes très vite contagieuses. Une fois entré dedans, bien malin (et bien bête) celui qui voudrait en sortir. Vous savez, la route du paradis vous est offerte et il serait dommage de ne pas l’emprunter. « The Road To Zion » (la route vers la terre promise chez les rastafaris) est en effet à tomber par terre, en partie grâce au feeling enchanteur de la voix de Ray Simpson, le parfait compagnon vocal du Cymande actuel. D’autres invités vont prêter main forte au groupe et à ce disque. Tout d’abord, la chanteuse Celeste qui embellit « Only One Way » de son timbre puissant et envoûtant. Puis, c’est au tour de Jazzie B, fondateur de Soul II Soul, de venir sublimer « How We Roll », une épopée de plus de huit minutes, complètement dans l’esprit des jams funky d’autrefois. En écoutant Jazzie B, c’est un bain de jouvence que l’on ressent, une félicité où se mêlent rythmes jazz, calypso et discours rassembleur sur la vie, la musique et la détermination. Autre moment important, celui du titre « Coltrane » en hommage au célèbre saxophoniste à l’héritage musical et humain toujours bien présent. Sur ce morceau, les influences jazz sont très nettes, mais toujours avec ces indispensables petites touches funk et créoles chères au groupe. L’équilibre est parfaitement réussi entre une basse (Steve Scipio) sinueuse, des cordes et des cuivres très convaincants et bien sûr une rythmique (le grand Richard Bailey à la batterie) en grande pourvoyeuse de frissons.

Je me répète peut-être, mais cet album est une véritable exhumation des temps jadis. Alors, pour les nostalgiques de ces musiques charnelles, foncez et gavez-vous de tout ce que Renascence est capable d’offrir. En plus des rendez-vous précédemment décrits, vous passerez aussi par le funk typiquement britannique de « Sweeden », par la déclaration romantique de « The Heart Of The Willing », par les cordes omniprésentes de « I Wanna Know », par le discours engagé de « Darkess Night » et enfin par les accents îliens de l’ultime « Carry The Word ». Un dernier titre rassembleur qui fait du bien autant dans les notes que dans les mots.

Cymande Renascence Band 2

L’histoire de Cymande n’est pas unique et des retours comme celui-ci sont relativement fréquents. La preuve que ces anciens musiciens estiment qu’ils ont encore des choses à dire et presque le devoir de retrouver un public lâché trop précipitamment. Après s’être extraits du monde musical pendant de très longues années, Scipio et Patterson ont retrouvé le chemin des studios avec une aisance qui impressionne. Et le fait que leur musique reprenne aussi facilement le fil d’une histoire arrêtée il y a bien longtemps, prouve que Renascence devait voir le jour et surtout, de cette façon. Les anciens fans sont ravis et un nouveau public ne devrait pas manquer de se constituer lors de la tournée qui démarre en février aux États-Unis. L’Europe suivra dans la foulée avec une date prévue à la Cigale à Paris le 14 octobre prochain. Alors, à vos agendas ?

https://cymandeofficial.com/

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