Colin Tench Project – Hair In A G-String (Unfinished But Sweet)
Waters Records
2016
Colin Tench Project – Hair In A G-String (Unfinished But Sweet)
Colin Tench est un fou. Mais un fou comme je les aime. Musicien hors-pair, créatif, drôle, perfectionniste, doté d’un humour ravageur, ce garçon creuse les sillons de son petit bonhomme de chemin musical – après un break de près de vingt ans, tiens, tiens, ça me rappelle quelqu’un – à l’écart du flux mainstream qui nous pollue les oreilles. Colin est l’homme de multiples projets parmi lesquels son CTP bien sûr, mais également Odin, BunChakeze, The Minstrel’s Ghost, Ocean’s 5, Transmission Rails, et bien entendu Corvus Stone dont nous vous avons parlé dans C&O (Corvus Stone, 2013 ; Unscrewed, 2015)… Et encore trouve-t-il le temps de participer à d’autres projets : Coalition (le projet de Steve Gresswell, multi-instrumentiste de Inner Road), Bridge Across Time, 2016 ; Murky Red, No Hocus Without Pocus, 2016 ; avec le compositeur argentin Andres Guazzeli ; KariBow, Holophinium, 2016 ; Marco Ragni, Land of Blue Echoes, 2016 ; et Grandval, À Ciel Ouvert…, 2016. Mais il est évident que CTP, le Colin Tench Project, est bien le noyau dur de la nébuleuse de l’ami Colin. Nébuleuse, parce qu’il s’agit avant tout du rassemblement sous une même bannière de musiciens qui, pour bon nombre d’entre eux, gravitent dans la sphère du label floridien, MRR, comprenez Melodic Revolution Records. Et la liste serait longue des participants à Hair In A G-String. Il suffira donc de se concentrer sur quelques fulgurances à l’occasion, arguant que c’est bien le collectif qui prime ici sur les individualités.
Hair In A G-String n’est pas un album que j’ai envie de décrire de bout en bout. D’abord parce qu’il est long et composé de 15 titres. Ensuite parce qu’il est organisé autour de quatre parties de « Hair In A G-String » entrecoupées d’autres morceaux. Encore, parce qu’il se savoure délicatement d’écoute en écoute, comme il se doit souvent avec les grands albums. Enfin, parce que Colin Tench se déclare fan de l’album blanc des Beatles et que cet essai du CTP a quelque chose à voir avec The Beatles. Bien sûr, il n’y a pas le côté débridé et décousu en apparence de l’album blanc. En revanche, il y a des atmosphères différentes (dues autant aux compositions qu’à la multiplicité des intervenants) qui explorent les nombreuses facettes du compositeur Colin Tench et de ses comparses. Car plus qu’une simple addition de talents, Hair In A G-String est bien dessiné comme un effort collectif tel que le stipule l’introduction du propos du livret (dont la réalisation, aussi splendide que la pochette est due au talent de Sonia Mota). D’ailleurs, Colin décrit longuement – et avec beaucoup d’humour – la liste de ses acolytes à la fin dudit livret, allant même jusqu’à présenter le chanteur Phil Naro comme le 5e Beatle (considération à laquelle il convient de donner du crédit à l’écoute du magnifique « Can’t See It Any Other Way »). L’instrumental « Hair In A G-String Part 2 (The Hairy Part) » commence à faire poindre le côté loufoque avec son ambiance bossa et son clin d’œil à Santana (Elodie m’a soufflé cette remarque), et ses chœurs très big-band de jazz, un peu comme l’avait fait McCartney sur « Reception » (Wings, Back To The Egg, 1979). Les amateurs de belles guitares acoustiques seront ravis – entre autres, parce que les guitares acoustiques ont une belle présence sur l’album – avec « The Mad Yeti », de même que les fans d’étrangetés cinématographiques apprécieront « The Sad Brazilian », la basse fretless de l’ami Angelo Hulshout, et les arrangements du co-compositeur, Gordon Bennett. Partout, le jeu et le son de guitare reconnaissables entre mille de Colin Tench éclaboussent la musicalité d’un ensemble richement élaboré. Et puis, quand on entend la voix et le superbe texte chanté par Peter Jones sur « And So, Today » (le bonhomme vient quand même de rejoindre Camel aux claviers), on est complètement conquis par ce que l’on entend (voir et écouter la vidéo ci-dessous). La troisième partie de « Hair In A G-String », « I’m Going Down », sert de point d’équilibre à l’album avec ses 10:10. La partie chantée est un splendide mélange de Beatles, de Zappa et de TenCC, avec ses « down, down, down », son « oobaladibaladoobaladi », sa blague « prog is annoying » et son allusion à « Because » des Fab Four… Suivent plusieurs instrumentaux dans des styles différents, dont on fera ressortir « Something Old, Something New, Something Borrowed, Something Screwed » et son intro reprenant à nouveau « Because ». Le titre est véritablement construit comme le collage de quatre pièces qui correspondent aux quatre « something ». Et puis, je suis vraiment tombé sous le charme de « A Beautiful Feeling », très pop-western, qui me fait également penser aux Eagles, et pour qui me connaît bien, les Aigles, c’est une excellente référence ! Voilà un titre qui vous donne le sourire et je vous prie de croire que le refrain va vous rentrer dans le crâne… Enfin, comment ne pas parler de « Part 4b » et de sa version accélérée des voix sur fond de piano de Peter Jones, « Part 4b Redux » ? Ce morceau, « Part 4b » (tu arrives à suivre, ami lecteur ?) figure parmi les plus désopilants que j’ai pu écouter depuis fort longtemps. Les chanteurs de l’album y apparaissent tous, et le texte est la quintessence de ce qui peut définir l’humour anglais. Les références vous viendront tout naturellement en écoutant ça. Si la construction du titre est relativement basique dans sa première partie, ça part quand même dans tous les sens ensuite, et on pense à Zappa une fois de plus. Un vrai bonheur, et un final qui vous vrille les tympans en vous emportant dans le vent exquis proposé par tous ces garçons (si tu saisis l’allusion, ô lecteur cultivé, t’as gagné un macaron pour les fêtes…).
Hair In A G-String (Unfinished But Sweet) dispose d’un avantage supplémentaire par rapport à la concurrence : son mastering. Enfin un album qui ne subit pas la Loudness War ! Non seulement le mixage est excellent, mais le soin particulier apporté à cette étape cruciale (et je sais pour en avoir longuement discuté avec Colin Tench quelle attention spécifique il peut porter à cet aspect de la production) donne une aération et une dynamique rares à l’époque de la compression, du mp3 et des albums « right in da face »… Toutes les subtilités musicales sont audibles, équilibrées, agréablement réparties, un régal pour les oreilles de celles et ceux qui écoutent de la musique au lieu d’ingurgiter du son en bouillie ! Ce premier jet du Colin Tench Projet est inclassable (prog ? proto-prog ? pop ? art rock ?). Il est surtout une des plus belles surprises de l’année et se classe d’emblée parmi mes principaux coups de cœur ! Si la légende veut que le Père Noël vive quelque part dans le Grand Nord, un de ses plus espiègles lutins s’agite actuellement en Suède. Il ne vous reste plus qu’à commander son Hair In A G-String (Unfinished But Sweet) afin qu’il embarque sur un traîneau bariolé – Colin in the sky with diamonds – sa folle bande de gais lurons (ça c’est pour le regretté Gotlib, disparu ces jours-ci, et dont on peut très bien lire les BD en écoutant CTP) et vienne le déposer au pied de votre sapin face à une cheminée diffusant une douce chaleur… « It’s time to start the show / Sit down, relax, throw off some clothes… »
Henri Vaugrand
Superbe titre magnifiquement chanté effectivement. Est-ce un hommage à David Bowie?
Hi Rudi.
Thank you and you are 25% right. There are 4 mentioned but it may not be easy to figure out all the names. It was a very bad 2016!