Clearlight : 40 ans de symphonisme extra-terrestre !
A l’occasion du grand retour de Clearlight, il nous a semblé indispensable de rendre à ce groupe phare de la scène rock française depuis bientôt quarante ans un hommage mérité avec la chronique de son nouvel opus « Impressionnist Symphony » et celle du premier disque solo de son mentor Cyrille Verdeaux, sorti chez Musea et intitulé « Messenger Of The Son ».
Clearlight – Impressionist Symphony (Gonzo Records 2014)
Triplement diplômé du conservatoire national de Paris entre 1963 et 1968 (soit de quatorze à dix neuf ans), Cyrille Verdeaux démontre, dès sa tendre enfance, des prédispositions exceptionnelles pour le piano, l’harmonie et la composition. Après les évènements de mai 1968, il se replie sur Nice où il décroche un nouveau prix d’harmonie avant de remonter à la capitale en 1971. Il y rencontre et se lie d’amitié avec le guitariste Christian Boulé alors en train de constituer son groupe Babylone auquel il manque justement un claviériste. Premier artiste français à être signé sur une major britannique (Virgin Records), il sort en 1974 l’acclamé « Clearlight Symphony », majestueuse symphonie en deux mouvements de vingt minutes non stop, faisant appel au trio de Gong (Steve Hillage, Didier Malherbe et Tim Blake) ainsi qu’à Gilber Artman et à Christian Boulé. Publié en 1975 avec l’aide d’une pléiade d’invités renommés (David Cross, Joël Dugrenot, le fidèle Christian Boulé et le batteur grec Chris Stapinopoulos), son second opus intitulé « Forever Blowing Bubbles » s’aventure vers des territoires plus jazzy et psychédéliques et n’est pas sans évoquer le « Fish Rising » de Steve Hillage. La sortie de ce LP est suivie d’une tournée dans toute l’Angleterre en compagnie de Gong. En 1976, c’est sous la bannière de RCA Records qu’il met au monde « Les Contes Du Singe Fou », survolés de bout en bout pas le chant illuminé de Ian Bellamy et le violon virtuose de Didier Lockwood. Voilà une des meilleures œuvres de Clearlight, très influencée par des formations cosmiques telles que Gong, Magma et Soft Machine.
Un an plus tard parait « Clearlight Visions » sur un nouveau label, Polydor Records (Cyrille a décidément la bougeotte). Mélangeant avec brio classique et ethnique (utilisation intensive de tablas et de sitar), il rencontre un succès certain et son auteur se lance par la suite dans un long voyage en Inde où il apprend les règles de la musique classique locale. C’est alors que survient un drame aussi terrible qu’inattendu : la mort de son fils Jonathan, âgé d’à peine quatre ans. Pour surmonter cette dramatique épreuve, Cyrille part en pèlerinage en Californie et étudie intensivement le yoga et la méditation. Il participe également au mouvement new age naissant. Après divers albums solo enregistrés essentiellement aux Etats-Unis dans les années 80 (citons « Messenger Of The Sun », « Nocturnes Digitales » et « Rhapsodies Pour Une Planète Bleue »), Cyrille se fend en 1990, sur Mantra Records, du magnifique « Clearlight Symphony II » dont l’enregistrement des parties de claviers se fera dans sa chambre à coucher (sic) à l’aide d’un ordinateur et d’un des premiers programmes digitaux créés par Steinberg.
Dans la foulée, il lance le très intéressant concept des Kundalini Opera : sept opus basés sur autant de chakras. Une belle réussite qu’on peut trouver sur le site http://www.kundaliniopera.com ! Aujourd’hui, Verdeaux (grand maître du Kurzweil 2600) s’en revient avec une nouvelle œuvre conceptuelle magnifiquement aboutie. « Impressionist Symphony » nous offre en effet huit compositions (dont les titres sont truffés d’humour) dédiées aux plus grands peintres français, de Renoir à Monet en passant par Van Gogh et Toulouse Lautrec. Il est, à cette occasion, entouré par une véritable dream team. Citons, entre autres, ses vieux complices Tim Blake au Theremin et aux synthétiseurs, Didier Malherbe à la flûte, au saxophone soprano et au doudouk et Steve Hillage à la guitare ainsi que Craig Fry au violon acoustique, Linda Cushma à la basse et au Chapman Stick, Paul Sears à la batterie et aux percussions, Chris Kovax aux claviers et Vincent Thomas Penny, un super guitariste californien.
Un petit air de la planète Gong avec Didier Malherbe, Cyrille Verdeaux et Chris Kovax
Ce beau linge nous offre une symphonie magistrale caractérisée par une pureté mélodique de tous les instants. Cette œuvre possède un sens magique de la mélodie subtile, fine, aérienne et parfois jazzy (le très beau morceau d’ouverture « Renoir En Couleur »). La musique développe, avec une étonnante constance, une espèce de jubilation sereine qui flatte l’oreille du début à la fin. Mais cette pureté des lignes mélodiques ne repose pas sur une espèce de facilité instrumentale. L’ensemble des titres se distinguent effectivement par une extrême richesse des arrangements et des harmonies (« Degas De La Marine », aux volutes sublimes de piano classique). Tout est en fait mis en place afin de forger des atmosphères sublimement contrastées (« Lautrec Too Loose »). La rythmique se fait aérienne et légère et rythme à peine pour mieux épouser les ondulations mélodiques. Les batteurs invités travaillent ainsi beaucoup sur les cymbales et forment un couple harmonieux avec une basse ronde et volubile. C’est sur cette base solide que se développe avec majesté le travail raffiné de la section harmonique (« Gauguin »).
Le sommet du CD est, à mon sens, le formidable duo Piano Bosendorfer 290 Imperial (enregistré à Nantes par un certain Olivier Briand !) et violon acoustique auquel se livrent le maître de cérémonie et Craig Fry sur le titre de clôture « Monet Time » : neuf minutes au cours desquelles se conjuguent, avec un bonheur rare, richesse et pureté. Au final, ce cru classé 2014 est un véritable îlot de sérénité au sein du tumulte ambiant. Plongez-vous donc avec délice dans cette œuvre magistrale.
Bertrand Pourcheron (9/10)
Cyrille Verdeaux – Messenger Of The Son (Musea 1995)
Voici encore une magnifique réédition à porter au crédit du prolifique label Musea ! En effet, ce premier opus en solo du claviériste Cyrille Verdeaux, leader du groupe français Clearlight depuis quarante longues années, vaut largement le détour ! Il s’agit là d’une œuvre totalement instrumentale, enregistrée en décembre 1980 dans la maison de campagne des parents de Cyrille avec, comme tout matériel, une table de mixage, une reverb Teac et un magnéto huit pistes Atari loués dans un magasin et, comme instrument principal, le piano familial Gaveau sur lequel Cyrille a appris à jouer depuis son plus jeune âge (cinq ans). Ce matériel a été publié en 1984 par la défunte écurie Catero et réédité en novembre 1995 par la maison de disques lorraine. L’ensemble est composé sur une base d’inspiration classique à laquelle viennent s’ajouter une forte tendance électronique façon Tangerine Dream (séquences, sons « spatiaux », etc…) ainsi que quelques rares passages « ethniques » (voir les petits clins d’œil à la musique indienne sur des titres tels que « Full Sun Raga » et « Rêve Avec Krishna »). Vous l’aurez compris, nous avons affaire ici à un opus aux multiples influences stylistiques, ce qui se faisait peu à l’époque. Véritable enchantement de sons et de mélodies, la musique de Cyrille n’est jamais brouillonne ni maladroite : les arrangements sont subtils et la mélodie n’est jamais reléguée au second plan. Les compositions, privilégiant l’émotion, ne s’enlisent jamais dans la pure démonstration même si on assiste parfois à une véritable débauche de virtuosité contrôlée (écoutez donc ces fabuleux arpèges de piano et ces détours vers le symphonisme, c’est assez magique, surtout que les sequencers n’existant pas encore à cette époque, tout était fait à la main et sans vari speed !).
Cyrille Verdeaux, œuvrant sur ce disque aux claviers, piano et percussions s’est entouré de musiciens de renom, avec une palme spéciale pour le génial touche à tout Jean-Philippe Rykiel qui amena son Prophet 5 après avoir collaboré avec des artistes aussi inclassables que Jon Hassel, Didier Malherbe, Hector Zazou ou encore l’excellent groupe de musique électronique avant-gardiste français qu’est Lightwave. Citons également Fréderic Rousseau (ex bras droit de Jean-Michel Jarre et actuel collaborateur de Vangelis) qui amena son ARP 2600 et son orgue Rhapsody, Christian Boulé (RIP) qui vint avec sa guitare électrique Lespaul, son EMS synthé et sa chambre d’écho analogique et Michel Risse, batteur et ingénieur du son, qui compléta l’équipe.
Cyrille Verdeaux, entouré de Valérie Lagrange (musicienne, actrice, écrivaine) et de Christian Boulé
Nous préciserons, pour finir, que ce petit chef d’œuvre de « space-rock symphonique » contient quatre titres bonus provenant de son successeur « Rhapsodies Pour La Planète Bleue » (1989), et qui sont des morceaux du meilleur cru (avec, en guise de conclusion, un titre chanté par Gunnar Amundson et doté de superbes paroles écologiques). Bref, si rien n’est à votre goût dans l’actualité florissante des musiques progressives (cela devient difficile, n’est-ce pas ?), un conseil : laissez vous tenter par cette réédition qui va à coup sûr vous faire voyager très loin…..
Philippe Vallin (8,5/10)
Site officiel de Clearlight et Cyrille Verdeaux :
http://www.clearlight888music.com/
Un beau plongeons dans les souvenirs, toute une époque … Nous étions très content de voir qu’un ami avait joué sur cet album que nous avons écouté en boucle… Lui qui avait participé à de nombreux projets dont la bande musicale d’un film Visa de censure…
J’ai connu Christian, l’époque où il habitait près de Châtelet il vivait avec Géraldine à qui plus tard lui ai offert un saxo, grand bien lui a fait puisque très vite elle su en tirer assez d’essence-ciel pour rejoindre le « urban sax… (qui faisait de la peinture sur soie), ensuite ils déménagèrent dans le 18 ème, là je leur rendais visite , Christian toujours souriant et chaleureux en sa compagnie on ne se sentaient que toujours dans le bien-être… et en explorateur, toujours à chercher de nouvelles sonorités, des subtilités qu’il aimait nous faire partager… merci pour votre site et d’avoir réveillé quelques souvenirs … Peace.