Brian Eno – Lux

Lux
Brian Eno
Warp Records
2012
Jérémy Urbain & Philippe Vallin

Brian Eno – Lux

Brian Eno - Lux

Brian Eno est plus qu’un musicien, c’est un artiste complet, un génie conceptuel. Producteur et arrangeur toujours en avance sur son temps, insatiable dénicheur de talents, icône du glam-rock barré, magicien plasticien des sons et des lumières, Eno est bien plus qu’un simple style de prédilection, c’est une institution de la pop-culture à part entière. Et si pour en venir au sujet délicieusement abstrait qui nous intéresse ici, un seul patronyme devait caractériser, voir incarner le terme « ambient », c’est bien le sien. La musique ambient façon Eno, dont les bases ont été posées dès 1975 avec « Evening Star » (collaboration avec le guitariste Robert Fripp) et surtout « Discreet Music », peut se définir comme l’interaction et le côtoiement des sons dans un espace hyper-dimensionnel. L’émotion simple, limpide, lâchée ici et là, dans une quête ouverte, profonde et amplement surnaturelle. Une musique minimale qui touche l’âme et impose une torpeur au corps, un relâchement de l’attention pour un voyage intimiste, les yeux fermés, l’esprit ouvert. Mais il faut tout de même savoir qu’il y a bien longtemps que Brian ne nous avait pas transportés, enchantés, en fait depuis l’inégal mais très intéressant « The Shutov Assembly », ce qui mine de rien nous ramène à une bonne vingtaine d’années en arrière. Et ce ne sont pas ses dernières parutions officielles (certains enregistrements « hors-commerce » valent quant à eux vraiment le détour) qui nous auront sortis de notre torpeur, à quelques petites exceptions près au sein de chaque album. Car le propos artistique de Brian Eno, marque des plus grands, n’est jamais totalement vain.

« Lux », tout d’abord la bande-son d’une installation vidéo dans une galerie d’art en d’Italie, se trouve être la nouvelle œuvre du maître. D’accord, celle-ci ne propose rien de fondamentalement nouveau quant au style défini il y a belle lurette par son auteur, et encore moins par rapport au bout de carrière de ce dernier voué au genre. Mais (parce qu’il y a un « mais » !), jamais une émotion mise à nu n’aura fait autant de bien au moral de ses nombreux amirateurs. La musique de Brian Eno redevient en effet une partition vide où se projettent des sons, ici peut-être, ou bien là, comme des tâches de peinture sur une toile de Pollock, des poignées de graines sur une terre en friche, un regard mélancolique à travers la vitre lors d’un voyage en bus, des doigts qui virevoltent sur un clavier d’ordinateur, un logiciel de composition sur lequel on patiente des heures durant, pour atteindre LA mélodie. L’ouvrage de Brian Eno, c’est un peu cela, un ensemble de vocations, une façon de regarder la vie, une sensation d’existence, et des entrelacs synthétiques paradoxalement sacrément organiques. Vivre et expérimenter la musique de l’artiste, c’est un peu comme sentir l’herbe sans la voir, une simple perception, avec le temps figé dans une pause plus ou moins définie.

« Lux » n’est qu’un seul et unique long titre découpé en quatre parties, un ensemble se construisant à mesure de l’écoute et de l’introspection qu’il génère. Une épuration des moyens à son plus simple appareil, et une délicatesse qu’on n’ose froisser. Un violon perdu, un bouillonnement électronique si discret qu’on tend l’oreille pour en ressentir les plus infimes vibrations, un ensemble qui parait égaré, mais d’une construction alchimique et scientifique qui touche la perfection : tels sont les ingrédients et l’essence même de « Lux ». Quelques répétitions qu’on ne remarque même pas, ou qu’on se refuse de noter, un univers somme, un livre dont on se plaît à regarder encore et encore les reproductions de tableaux, réels ou fictifs, et changeants constamment.

C’est juste admirable, et si vous avez d’autres superlatifs à donner, ne vous gênez surtout pas. « Lux », c’est tout simplement Brian Eno comme on l’aime, et comme chacun devrait apprendre à l’apprécier. Merveilleux, le mot est lâché…

http://brian-eno.net/lux/

Un commentaire

  • Lux est un très beau moment. Pas essentiel. Mais cela n’a aucune importance. Pas d’expérimentation, rien de nouveau, d’inouie. Tout était là dans ce que nous amions déjà de lui. Lux s’appuie sur
    une technique ancienne. La réinjection, même si celle ci est aujourd’hui très probablement numérique. le « format », n’apporte rien de nouveau (ce qu’on lui a repproché par ailleurs) mais Lux est
    là, enfin « là » n’est peut être pas le terme qui convient. Lux est au deça de ce que l’on sait de la musique. Lux a cette exraordinaire capacité de disparaitre au moment même de l’écoute. C’est
    une musique de la disparition. Des paysages en fragments…

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