Blind Equation – A Funeral In Purgatory
Prosthetic Records
2025
Lucas Biela
Blind Equation – A Funeral In Purgatory
Keygen Church nous avait habitués au synth metal. Mais alors que les contours de la musique de notre Italien semblaient assez nets, ceux des américains de Blind Equation sont beaucoup plus flous. Certes les éléments électroniques sont omniprésents, mais ils couvrent un éventail très large (musique de jeux vidéos, drum’n’bass, r’n’b…). Ils côtoient par ailleurs des voix hardcore, metal extrême, traitées comme dans le rock industriel ou pas, ou encore sous autotune. Mais qui dit influences tous azimuts ne dit pas forcément musique sans queue ni tête. Notre trio a en effet le sens de la composition et sait mettre les pièces du puzzle au bon endroit.
Anges ou démons ? Blind Equation seraient plutôt une chimère. Alors que la fougue attend nos Chicagoans au coin de la rue, la féerie des mondes imaginaires qui les entourent les éblouit et contrecarre leurs plans. Ainsi, dans une ambiance certes mystérieuse, « Incomplete » fait coexister galops effrénés, chant effrayant et claviers aussi bien éberlués qu’enjoués. Toute énigmatique est l’atmosphère de « A Funeral… », avec cependant des notes d’espoir dans la mélodie que les claviers développent petit à petit. En outre, un certain déchirement caractérise la voix, que des rythmes breakbeat ou techno associés à un feu d’artifices synthétique mèneront néanmoins vers des territoires plus sereins, même si semant toujours des germes vindicatifs. L’angoisse se lit également dans les alarmes de « Relinquished Dreams ». Ici à nouveau des rythmes r’n’b délivrent nos amis de l’emprise du malheur pour leur faire reprendre le chemin d’une félicité radieuse. Il en va de même avec les synthés majestueux mais oppressants (il faut penser à un orgue halluciné) de « …In Purgatory ». En l’espace d’1mn30, c’est un véritable électrochoc qui nous secoue. L’interlude angoissant « +‧+ ̊ ཐི⋆✟⋆ཋྀ ̊+‧+ », tout autant que celui introspectif « Still » maintiennent en place les piliers du questionnement. Mais, autour de chiptunes nostalgiques, n’oublions pas l’allégorie de la douleur « Mourn », où le maître à penser James McHenry hurle tel un loup dont la patte serait prise dans un piège.
Ailleurs, le voile se lève sur le mystère. Ainsi, d’emblée, « This Eternal Curse » nous transporte dans des contrées chaudes. Certes les accélérations menaçantes et les vociférations impétueuses nous feraient transpirer davantage au cœur de l’enfer que sur une île paradisiaque, mais toute la profusion de notes de clavier enjouées, les programmations hip hop ou disco et les voix claires exaltées terrassent le dragon pour des jours meilleurs. De même, c’est sur un breakbeat vibrant que « Nothing » fait entrer la lumière dans la pièce. Blast beats et hurlements doivent composer avec l’excitation des synthés et les autotunes implorants. Et sur « It Feels Like The End », les claviers tourbillonnants imposent le ton : ce sera l’exploration d’univers enchantés ou rien du tout. Par ailleurs, outre les claviers fiévreux, c’est la voix affectueuse de l’artiste trancecore Strawberry Hospital qui illumine le pressé « Flashback ».
Bien que pouvant être comparés à des formations telles que Mr. Bungle ou Vladimir Bozar ‘n’ ze Sheraf Orkestär, Blind Equation gardent néanmoins une certaine colonne vertébrale. Ici, il n’est pas question de perdre l’auditeur dans des labyrinthes tortueux, mais de lui faire passer un moment magique où se croisent précipitation, émerveillement, et versatilité. L’apport de nombreux éléments tels que la musique de jeux vidéos, le drum’n’bass, ou les musiques urbaines actuelles, tout en colorant la musique, rend le propos plus original. La formation parvient ainsi à se démarquer et devrait faire parler d’elle.
https://blindequation.bandcamp.com/music