Blankass – C’Est Quoi Ton Nom ?
At(h)ome
2020
Christophe Gigon
Blankass – C’Est Quoi Ton Nom ?
Les frères Ledoux nous reviennent avec leur sixième disque. A l’instar de Crowded House en Australie ou Madness au Royaume-Uni, Blankass est passé maître en l’art de concocter des pépites pop pétillantes et entêtantes avec un sens de la mélodie que ne renieraient pas Les Innocents. C’Est Quoi Ton Nom ? paraît en ce début d’année 2020 et agira probablement comme le remède-miracle pour êtres hébétés post-déconfinés. Il est vrai que la musique du duo, mélodique et dynamique en diable, saura reconstituer les soleils perdus dans les têtes des mélomanes en déshérence de concerts estivaux. Ce n’est pas un hasard si le disque, tout jaune, éclaire les bacs, soleil musical pour temps grisés.
Guillaume et Johan ont des références : Mike Scott des Waterboys, Neil Young, Serge Gainsbourg ou le raffiné Alain Chamfort, avec qui Blankass vient d’ailleurs de proposer une relecture très réussie du tube « Manureva ». C’Est Quoi Ton Nom ? propose ainsi une grosse dizaine de titres ramassés, aux refrains imparables, idéaux pour les voyages en voiture ou les joggings matinaux. Derrière la fausse simplicité des compositions se devinent un artisanat de haut-standing et une volonté de chaque instant de rechercher la mélodie ultime, la rime divine et la note qui sonne. Parfois, ça vise le cœur de cible : « L’Arrière-Saison », « Cette Génération » ou le premier single « C’est Quoi Ton Nom ? » avec sa rythmique très « Gainsbarre ». Cependant, d’autres chansons lorgnent un peu trop vers une certaine forme d’accessibilité décevante, voire commerciale : « Avec Toi », second clip qui fait furieusement penser aux scies produites en son temps par Louise Attaque. Ou encore « Hold On To Me » qui lasse par son côté ado/Indo qui risque fort de faire tiquer les amateurs de véritables mélodistes que furent les Beatles ou, plus près de nous, L’Affaire Louis Trio. « La Clé » fait également penser aux travaux de Gaëtan Roussel, pour le meilleur (ses albums en solo)…ou pour le pire (remember : Allez viens, je t’emmène au vent, je t’emmène au-dessus des gens, et je voudrais que tu te rappelles, notre amour est éternel, et pas artificiel…). Le mélange des genres, folk music et electronica, français et anglais, fonctionne à satisfaction. A l’instar de ce que créent Arno le Belge ou Stephan Eicher le Suisse, passer d’une langue à l’autre ou croiser les origines musicales d’un morceau à l’autre peut constituer des territoires nouveaux sur lesquels il fait bon danser.
Finalement, un bon disque, qui fait envie de se replonger dans les anciennes galettes produites par la formation française depuis le mitan des années quatre-vingt-dix. Vu la facilité déconcertante dont jouissent ces musiciens pour créer des vignettes pop, il est regrettable de constater cette volonté (peut-être inconsciente) de vouloir créer le hit qui fera tilt sur RTL2. Il s’agit de prendre de la hauteur. Concilier exigence et mélodie est possible, Alain Bashung, Jean-Louis Murat ou le cité Alain Chamfort nous l’ont prouvé à chaque nouvelle livraison. La facilité est une trappe qui peut mener tout droit au purgatoire des compilations de sinistre mémoire (Boulevard Des Hits). Alors qu’il est tout de même plus élégant de côtoyer Voulzy, Cabrel ou Paul McCartney ! Et Blankass fait définitivement partie de cette famille-là. Heureusement.