Beltaine – Miusjik
Beltaine
Autoproduction
Des Polonais qui jouent de la musique folk traditionnelle ? A priori, rien d’étonnant, on se dit qu’on va être submergé par les violons et le patois des Górale (montagnards occupant les reliefs de la Pologne). Et finalement non ! En effet, même si les violons sont effectivement de la partie, c’est vers l’Irlande que leurs mélodies nous transportent. Ce sont donc des airs celtiques des plus entraînants qui se frayent un chemin à travers nos conduits auditifs quand les instruments se mettent en branle. Le nom de la formation qui en est à l’origine, Beltaine, nous mettait d’ailleurs déjà la puce à l’oreille (expression de circonstance !), puisqu’il s’agit d’une des quatre fêtes du culte celtique. On se rappellera en passant que Jethro Tull eux-mêmes dans leur période « sylvestre » nous avaient narré l’importance de cette célébration païenne (sous l’orthographe « Beltane » cependant).
Nous voici donc plongés dans de l’irish folk, et pas des moindres : bigarré à souhait, avec juste ce qu’il faut de mélancolie pour permettre à l’auditeur de retrouver ses esprits entre deux rondes infernales. C’est ainsi qu’autour des flûtes enjouées, des percussions étourdissantes et de la bombarde pimpante, c’est à une démonstration de versatilité que se prêtent les violons et l’accordéon. Tour à tour enflammés et éplorés, ces derniers font ainsi participer non seulement notre corps mais également notre esprit, sans faire ainsi sombrer la célébration bucolique dans une grand-messe dansante à la Lord Of The Dance. La mélancolie passe certes par l’instrumentation, mais cette voix songeuse sur « Cruel Sister » contraste aussi avec l’entrain qu’elle souligne sur « Health To The Company ».
Cependant, à l’ère où les frontières sont devenues poreuses en art, et en particulier en musique, on ne s’étonnera pas de danser sur une polska suédoise (« Pol(S)Ka »), d’atteindre le nirvana au son d’un raga indien (« Mjoo(Sic!) »), et d’être pris dans le tourbillon d’un taraf enivrant en pleine campagne roumaine (la deuxième partie de « Seizh »). Par ailleurs, des incursions « glitch » (voir ici pour la définition) sur « Chicken In The Bucket » viennent rappeler que Beltaine est bien un groupe du présent qui continue cependant à tenir le flambeau d’une musique traditionnelle qui est loin d’appartenir au passé.
Avec un appétit pour la diversité et une soif d’enthousiasme, les Polonais de Beltaine savent redonner leurs lettres de noblesse à une musique traditionnelle trop souvent reléguée aux fêtes de village ou servant à alimenter les clichés des agences de voyage.
Lucas Biela
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