Aura Aime Murat – Aura Aime Murat
Stardust ACP
2022
Christophe Gigon
Aura Aime Murat – Aura Aime Murat
Un album-hommage au grand Jean-Louis Murat sort dans les bacs en ce mois de février. Comme l’indique le sous-titre de cet album: les artistes de la région Aura (Auvergne- Rhône-Alpes) rendent hommage à Jean-Louis Murat ! Seize titres réarrangés et interprétés par des chanteurs peu connus dont la liste apparaît dans l’image d’illustration qui fait suite à ce paragraphe. Reprendre du Murat n’est pas chose aisée. En effet, l’intérêt principal de l’œuvre du bonhomme réside dans sa voix magnétique et reconnaissable entre toutes. Déposséder les chansons de cet atour risque bien de jouer un tour à ces épigones pourtant acquis à la cause du barde des volcans.
Heureusement, l’autre force de Jean-Louis Bergheaud (véritable patronyme du musicien) reste sa capacité unique à transformer l’anodin en extraordinaire et le voisin en universel. A ce titre, nous ne pouvons que vous renvoyer au compte rendu de l’un de ses albums majeurs, Babel, paru sur notre site en 2014. D’ailleurs, l’équipe responsable de ce tribute le précise d’emblée: « Précaution d’emploi : attention, ceci n’est pas un disque régional pour un chanteur auvergnat ! » Ou, comme le dit avec davantage de profondeur poétique Murat lui-même : « Bien parler de chez soi, des quelques hectares qui t’entourent, c’est parler de la Terre entière. » Du Sancy, les chansons de Murat nous transportent to infinity and beyond justement parce qu’elles nous parlent de et depuis ce « chez soi ». Le poète se confond avec le paysage, la nature et son environnement. Il devient caillou, neige, montagne ou eau du torrent. Mais son champ/chant n’est jamais figé ou réduit. Au contraire, il expose et diffracte de mille feux. Le poète est au monde, il fait corps avec lui. Le mariage de ces mots/maux qui se comprennent comme des terroirs cosmopolites avec une musique d’obédience clairement anglo-saxonne (Neil Young, Bob Dylan, Wilco) conduit au miracle Murat : un mets unique en France et alentour.
La sélection de cette grosse quinzaine de chansons offre des entrées choisies pour le voyage vers l’ailleurs… mais sans la voix du capitaine, celle qui montre pourtant la voie. La prise de son et la production donnent entière satisfaction et aucun participant ne démérite. C’est à Gontard d’ouvrir les feux avec le superbe « Le Troupeau ». Adele Coyo enchaîne avec le langoureux « Tout Est Dit », aux arrangements « Mike Oldfield » qui font un peu regretter la version originale même si la voix de cette jeune fille est absolument parfaite. Chevalrex tente une vision éthérée de « Dieu N’A Pas Trouvé Mieux », plutôt réussie. « Comme Un Incendie » revisité par Stan Mathis n’apporte rien à ce titre imparable paru à l’époque sur le magistral Le Cours Ordinaire Des Choses. Frédéric Bobin et Marjolaine Piémont voient en « Au Mont Sans Souci » une comptine « à la Anne Sylvestre ». Culotté mais pertinent. Erik Arnaud et « Fort Alamo » tire très bien son épingle du jeu avec cette production brute et bricolo, synthétique mais naturelle. Le disque se conclut avec une version épurée, au piano, de « Les Jours Du Jaguar » par Alain Klingler. Belle sortie de secours pour ce morceau brutal et agressif. Bonne idée. Les chemins de traverse ont toujours dessiné les voies royales de l’habitant de La Bourboule.
Relevons donc les compteurs : l’exercice atteint son but. Cette collection de réinterprétations, au son réfléchi, permettra au néophyte d’apercevoir une paroi de l’œuvre muratienne. Chaque participant propose ainsi une version qui se tient, aucune n’est gênante ou carrément ratée. Chaque monde proposé gagne sa crédibilité grâce à l’investissement engagé. On entend qu’il s’agit de fans précautionneux mais sachant que le meilleur hommage reste la confrontation, plus ou moins épanouie. Un très beau tribute album, à mille lieues des excroissances commerciales produites en masse depuis le revival des années 80. L’esprit est davantage celui de la belle paire Souchon Dans L’Air que du furoncle Génération Goldman. Nous ne devions pas le dire mais on y est obligés : le timbre de voix de Murat est responsable à hauteur d’au moins 50% de l’orgasme auditif vécu à l’écoute de ses titres. Ainsi, Aura Aime Murat produit une excitation… qui s’arrête juste avant l’extase.
https://www.facebook.com/auraaimemurat