Asva & Philippe Petit – Empires Should Burn…
Asva & Philippe Petit
Basses Frequences
Il existe des albums où ce qui compte, tout autant que son contenu, c’est l’instant T. Ce moment où le disque passera le mieux. Variation atmosphérique, fatigue corporelle, imagination sensibilisée, obscurité, lumière, j’en sais trop rien. Autant de contextes, toutefois, qui donnent le cadre d’écoute auquel l’auditeur se rattache. « Empires Should Burn… » est un disque de nuit. Pas celui qu’on écoute en rentrant à la maison, ni celui de l’apéro, mais celui qui passera une fois toutes les lumières éteintes, le corps avachi et l’esprit embrumé. Celui qu’on ingurgite les yeux au plafond, seul. C’est une porte qui ouvre sur le grenier rempli de vieux livres couverts de poussières, les murs écaillés, et le plancher grinçant. Dans les interstices des étagères surchargées, on y entend des voix. Elles parlent, monologuent, susurrent à l’oreille, fantomatiques au milieu de bourdonnements et autres étirements électroniques, aspirant les résidus de lumières. Un piano se fait entendre, mélancolique ou dissonant. L’ambiance est pesante, on suppute d’entendre les relents d’un rituel oublié.
Parfois, on arrive dans une case subconsciente, avec Freud, attablé, tirant sur les poils de sa barbe. C’est qu’il emmène loin, hein, ce disque, sur les rivages d’un drone comateux et stratégique, qui ne donnera jamais l’impression d’errer dans du vide, ce truc, là, qui dure, chiant… Ceux concoctés par Philippe Petit et Stuart Dahlquist sentent l’organisme, la roche, la fusion des matières, la présence. On en oublie presque les invités présents (Ka-spel, Jarboe…). C’est un dialogue, et l’interlocuteur, c’est nous. Moi, toi, lui là-bas, ou elle ici, là ou pas… On entend, on suggère, on construit une forme indéterminée et imprécise. On ne sait pas pourquoi, mais on le fait.
Et quand le disque sera fini, on attendra une nuit prochaine. On aura oublié, mais une fois le crépuscule passé, les rideaux tirés, l’halogène éteint, « Empire Should Burn… » repassera, et on rouvrira les portes de ce grenier imaginaire pour en découvrir, une nouvelle orientation, de nouveaux trésors.
Jérémy Urbain (8/10)
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