Altar Of Plagues – Teethed Glory And Injury

Teethed Glory And Injury
Altar Of Plagues
2013
Profound Lore Records

Altar

Certains vont dire que c’est de la marche arrière. De la régression, n’ayons pas peur des mots. Certains le font avec le rock progressif, alors moi je me permets certains apartés dans la sphère du metal extrême avec le death ou le black metal. Cette phase de ma vie mélomaniaque fut courte, et pourtant, qu’est-ce que j’ai pu acheter comme disques à ce moment-là ! Incompréhensible frénésie… Tout ça pour dire qu’après une période de rejet, je me remets à chercher, à gratouiller. Le black a vécu bon nombre d’évolutions (malheureuses et opportunistes trop souvent), mais les Irlandais de Altar Of Plagues pointent, à mon sens, la rupture de ton actuelle. Des canons traditionnels du style, il reste cette voix de canard qu’on égorge (chacun ses goûts), son rythme, ses guitares cosmiques. Mais attardons nous d’abord à la pochette voulez-vous. Cette femme qui se contracte vers une position extrême de son corps tel un arrachement au sol, un accouchement musculaire, esthétique, contemporain, représente à elle seule la démarche, et plus encore, l’évolution du groupe. Cette tension amenant une pose aussi aberrante que gracile, le corps, son mouvement primitif, élastique, c’est tendre vers un ailleurs, un dépassement.

« Teethed Glory And Injury » parait de prime abord insensé. Il s’y distille une telle avancée d’écriture, de détails et de ruptures de tons qu’on se demande si on a affaire au même groupe. Exit donc les morceaux fleuves, et place à des titres plus concassés, massifs. Pointent les premières courbures des reins. Avec elles, des percées électroniques, industrielles, une basse lourde comme un abîme. Le dos effectue sa roulade, soutenu par ses jambes, comme des piliers caoutchouteux. De ruptures de tonalités abrutissantes à l’émergence d’une émotion, le corps devient ovale, sa position fascine. Cet album fascine. Il surprend, il fait sentir le magnétisme terrien tout en le pliant, le déstructurant. Et pourtant, la ligne est sinueuse, quasi-parfaite, le geste, lui, est beau, effrayant aussi. On est alors médusé, chaque titre amenant son lot d’étonnements.

Sans passer par la case « name-dropping », il faut voir se détacher des instrumentations post-rock, sludge, atmosphériques, des élans maximalistes à la Glenn Branca ou encore les Swans. Aussi, « Teethed Glory And Injury » nous emmène dans une torsion gigantesque. On en oublie le chant. Plus le mouvement se dessine, et plus l’album nous enserre. Pourtant, j’ai mis du temps avant de me le mettre, des semaines, des mois. Bah oui, il y a de ces objets dont on ne sait ni quand, ni comment les découvrir. Et voilà maintenant que le corps s’arrête, le mouvement est interrompu, bloqué, et avec lui l’album et le groupe (en effet, les Irlandais stopperont le projet deux mois après la sortie de l’album).

Il ne reste plus que l’observation, la fascination, la régression factice du geste, l’évolution d’un style. Expérimental n’est pas ce que j’avancerais, « Teethed », c’est de l’aventure. Une de celle qu’on va vivre dans l’énervement et qui accompagne la descente. Puissant !

Jérémy Urbain (8,5/10)

http://www.altarofplagues.bigcartel.com/

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