Aho Ssan – Simulacrum

Simulacrum
Aho Ssan
Subtext Recordings
2020
Jéré Mignon

Aho Ssan – Simulacrum

Aho Ssan Simulacrum

Certains albums demandent du temps. Pas un temps défini, gravé sur du granite ou entouré au marqueur sur un calendrier mais LE temps. L’ancienneté du ressenti, la période d’écoute, le climat synthétique où la synesthésie s’impose d’elle-même. Bref, cet instant où l’on échappe au simulacre temporel, à la dissimulation derrière une main qui refuse de laisser voir… Peut-être vaut-il mieux entendre que voir d’ailleurs ? Peut-être ne vaut-il pas mieux échapper au tic d’une aiguille ou au scintillement régulier d’une montre connectée ? Signe d’un engorgement de données ? Piège d’un faux-semblant contemporain ancré dans une sorte d’inconscient collectif ? Simulacrum fait partie de ces œuvres dématérialisées qui inspire plus au réel qu’une autre version. Cet album, c’est un peu un questionnement. Celui sur ma place dans une société de plus en plus floue aux frontières elles-mêmes de plus en plus indéterminées et inconsistantes. C’est un travail sur la synthèse d’une vie dans un labyrinthe d’images épluchées, épinglées, compartimentées, de coordonnés géolocalisées, déterminées et repérées. Surchauffes, grésillements et excès d’informations via différents canaux vont de pair dans ces rouages dont on peine à saisir la portée connaissable. Autant se cacher les yeux, par dépit, derrière une main aussi rassurante qu’angoissante sur un rythme de communiqués, nouvelles et actualités prises sans recul, ni analyse…

C’est toujours la façon dont les opposés réagissent et marchent l’un à côté de l’autre dans la vie. Les réseaux «sociaux» nous empêchent de penser et d’absorber les rythmes (mythes ?) de l’existence comme ils sont réellement, mais il y a par réaction des mouvements en place. Cette somme d’individus sait qu’il y a plus que ces obscures formes de « communication » que nous utilisons avec les réseaux sociaux. Arrivé il y a plus de deux ans, Simulacrum ressort de plus en plus fort, son expérience m’apparaît plus immersive, voire offensive, à chaque écoute. Peut-être m’est-il apparu comme la perle électronique complexe que j’attendais, que je pouvais entendre, sans pour autant y mettre des mots dessus. Le simulacre était trop fort, la situation hors de contrôle restait juste une dissimulation où je me perdais sans retenu, quand bien même l’inspiration venait-elle du philosophe et sociologue Jean Baudrillard et que je savais, au fond de mon être, que le premier album de Désiré Niamké apportait plus de choses que mon lobe frontal fragmenté était capable d’encaisser.

Aho Ssan Simulacrum Band 1

Deux années sont passées… deux années entre confinements, crises et guerres successives, isolement non décidé (mais assumé) et misanthropie rampante. Sans cesse, chaque bruissements, chaque crépitements et froissements de Simulacrum évoquent doutes, obnubilations, divagations dans un tumulte interne jusqu’à l’implosion des sens et puis vient la lueur d’une lumière… Ce sont ces interrogations chaotiques divaguant au fil des jours (dans le métro, la rue, la queue d’un supermarché) sans trouver un embranchement tangible qui s’entremêlent dans un code binaire dont on cherche le compartiment. Peut-être faut-il se passer de ces règles, de ces cellules, caissons et tiroirs ? Les sept mouvements de Simulacrum fonctionnent comme une espèce de sortie dont on se hisse par la force des bras et de l’esprit. La volonté guide, le reste n’est que superflu… Il n’est pas question de survie appréciée, voire célébrée, mais de vivre dans (et avec) cette vision fantomatique. Simulacrum est métamorphe, il amène changement, incarnation et modification au travers d’un rai de lumière diffus. Il devient le guide d’un océan, une courroie de sécurité. Bref, il est cette clarté qui, apparue au bon moment, devient embrasement.

Aho Ssan Simulacrum Bnad 2

De déflagrations en silences, de cliquetis d’insectes robotiques à des emboîtements en cascades, Désiré Niamké en un seul album atteint la saturation des sens, la synesthésie en ébullition quand ce dernier rattrape les fragments de vie, jusqu’alors en orbite, pour les assembler sous la forme d’un paysage kaléidoscopique… Aussi transitoire qu’éphémère… Est-ce qu’on en sort vainqueur ? Pas vraiment…

https://ahossan.bandcamp.com/music

 

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