Paul Personne – Funambule (Ou Tentative De Survie En Milieu Hostile)

Funambule
Paul Personne
Verycords
2019
Thierry Folcher

Paul Personne – Funambule (Ou Tentative De Survie En Milieu Hostile)

Paul Personne Funambule

Bon ça suffit maintenant, il faut arrêter les gars, il faut se décomplexer. Depuis que John Lennon a sorti sa connerie sur le rock français, on est incapable de reconnaître ce qu’il y a de bon en bas de chez nous. Et puis, la coupe du monde de foot, on ne devait jamais la gagner. Nos amis british en bons donneurs de leçons qu’ils sont, faut voir où ils en sont aujourd’hui. Leurs charts sont éloquents, pires que chez nous. Un petit coup de gueule (amusé) pour introduire, si je puis dire, le tout dernier Paul Personne. Un personnage immense de la scène française qui n’a rien à envier aux anglo-saxons et qui manie la six-cordes avec une dextérité impressionnante. Un auteur (en français) compositeur prolifique qui écume les scènes de l’hexagone depuis bientôt quarante ans. Je ne vais pas refaire le sempiternel discours sur ces artistes oubliés ou si peu présents dans les grands médias français, ils sont légion et la plupart du temps ils s’en foutent. Leur reconnaissance, ils l’ont avec le public qui inlassablement vient aux concerts et achète leurs produits. Paul Personne peut compter sur un soutien sans faille de ses admirateurs mais aussi de tous les musicos sensibles à son talent. Pour preuve sa dernière livraison intitulée Lost In Paris Blues Band (2016), une compilation de reprises enregistrée aux Studios Ferber en compagnie d’artistes de renom. Paul Personne et la scène sont indissociables et sa discographie est jalonnée de témoignages live qu’il faut absolument écouter (et voir) en complément des sorties studio. Les CD/DVD Il Était Une Fois La Route (2006) et Electric Rendez-Vous (2015) sont de belles séances de rattrapage si vous l’avez loupé en concert.

Funambule (Ou Tentative De Survie En Milieu Hostile), son dernier effort studio, est sorti au printemps dernier et fait suite à Puzzle 14 (2014), un brillant album fait à la maison avec ses potes de A l’Ouest, un trio de choc qui allait l’accompagner tout au long de la tournée 2014/2015. Pour Funambule, Paul s’est installé dans un petit studio Normand à Forges-Les-Eaux où neuf des onze titres ont été enregistrés dans l’urgence d’une séance live. Les deux autres étant concoctés dans un studio bruxellois. Pour cet album, il reconnaît ouvertement avoir recherché la simplicité et le bon feeling plutôt que la perfection technique. Mais pas de panique, c’est riche, bien en place et parfaitement produit. Changement complet de line-up pour un retour aux bonnes vieilles recettes éprouvées. Il y a bien sûr du blues, mais aussi du rock, un peu de pop et une pointe de funk. Le propos n’est pas à la franche rigolade mais l’ami Paul ne se démarque pas du reste du monde et reçoit, lui aussi, la masse d’informations alarmistes en pleine figure. Alors comment échapper au triste marasme lorsqu’on s’appelle Paul Personne et que depuis toujours on trempe sa plume dans la misère humaine. La pochette parle d’elle-même et le sous-titre est éloquent. Cela dit, la musique arrache tout et efface bien des larmes. N’importe quel fan vous dira qu’écouter Paul Personne fait un bien fou. Et c’est vrai ! Dès les premières notes de « Les Dégâts » on comprend qu’on est au bon endroit et qu’on ne s’est pas trompé de bonhomme. La Gibson est toujours affûtée et signe une intro classique mais profondément jouissive. La voix et les chœurs sont bien en place dans une construction connue mais qui fait mouche à tous les coups. On ferme les yeux et le premier solo nous fait entrevoir Billy Gibbons, c’est dire qu’on va planer très haut.

Paul Personne Funambule Band 1

L’album est lancé à toute allure sur la grande et belle route du rock et flirte allègrement avec des sonorités à la Mark Knopfler (« Karma ») ou à la Neil Young version Crazy Horse (« Les Autres »). Tout en cultivant sa propre personnalité, Paul assume ses influences et se promène souvent sur ce qu’il y a de meilleur jusqu’à singer un Jim Morrison ressuscité sur « Les Mêmes », un superbe morceau bien accompagné par la basse de Christophe Garreau et l’orgue Hammond d’Olivier Lanneluc. Tous les musiciens sont à citer et font preuve d’une belle cohésion servant d’écrin à la guitare et au chant. Alors, Funambule c’est aussi Guillaume Destarac à la batterie, Mike Lattrell aux claviers et Gloria H.Gravalos Vilette aux harmonies vocales. Une formation qui sait aussi se la jouer douce comme sur « Bonheur », une oasis de volupté sur laquelle Paul va nous bercer et nous faire frissonner. Une petite merveille de sensibilité toute simple mais drôlement efficace. Et puis sur « Avant », le groupe se permet un virage funky qui va certainement en faire déhancher plus d’un. Mais l’essentiel c’est encore et toujours cette Gibson qui nous prend là où il faut et nous remet sur le droit chemin. Le rock essaie de se réinventer sans cesse et nous amène souvent bien loin de ses bases fondatrices. On a beau tendre les oreilles et parfois être un peu séduit, rien ne vaut un bon blues à la Paul Personne pour retrouver la foi. Sa guitare est un véritable sixième sens qui sait chanter, accompagner et exprimer des sentiments. Sur « Comedia », elle se met plusieurs fois en valeur jusqu’à friser l’extase sur l’accélération finale. On aime aussi sa clarté et son lyrisme sur « Blessures » ou son traitement multi-couches sur « Chez Moi ». Funambule est bourré de guitares c’est sûr, mais les orchestrations, les arrangements et la mise en forme ne sont pas à négliger. Au final, ce sont surtout de belles chansons de rock.

Paul Personne Funambule Band 2

Donc voilà, si vous voulez du blues, du rock et du bon, Monsieur Paul est là pour vous en donner, pas la peine d’aller chercher plus loin, vous avez tout sur place. Funambule n’invente rien et c’est tant mieux. Cela fait maintenant des années qu’on guette fidèlement ses rendez-vous sur disque et sur scène en espérant que cela dure encore longtemps. Paul Personne sera à l’Olympia le 27 mars 2020 mais passera quelques jours avant dans mon coin de Bretagne. La place est prise et c’est sûr, la petite salle du Triskell sera comble. La tournée sillonne la France du nord au sud, et récupérera au passage tous les inconditionnels de l’artiste. Mais pour ceux qui ne le connaîtraient pas encore, un bon conseil, allez-y ! Vous ne le regretterez pas.

http://www.paulpersonne.com/

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