Neil Young & Crazy Horse – Barn

Barn
Neil Young & Crazy Horse
Reprise Records
2021
Fred Natuzzi

Neil Young & Crazy Horse – Barn

Neil Young & Crazy Horse Barn

Écouter un nouvel album de Neil Young, c’est un peu comme si l’on venait dire bonjour à un vieil ami que l’on connaît bien. Mais cet ami a pris de l’âge et n’est plus ce qu’il était. Cependant, on distingue quand même dans ce qu’il est maintenant, l’esquisse de ce qu’il a été et de ce qu’il est toujours à nos yeux. Quelqu’un que l’on aime, quoi qu’il arrive. Neil Young, c’est exactement ça. Il y a une dizaine d’années, on se surprenait encore à espérer un grand album, crépusculaire et foudroyant. Et puis, au fur et à mesure, on se rend bien compte qu’on se faisait des illusions. Les albums se suivent et se ressemblent, la volonté est toujours là mais au final, ce ne sont que des témoignages en forme d’ombre de ce qui a été. Neil en est sûrement conscient et ne cherche pas à faire un album dingo, il a passé l’âge. Mais il veut être là, quoi qu’il en coûte, et s’engager dans les causes qui lui tiennent à cœur. Alors on reforme les amis de Crazy Horse et on leur offre le champ libre. Cela donne le double Psychedelic Pill, par moments jubilatoire et d’autres laborieux à la longue, un Colorado sans vraiment d’âme et ce Barn qui sonne peut-être le glas. Neil Young n’en a plus rien à foutre, depuis le temps que je vous le dis dans mes chroniques. Ces albums sont donc là pour parler politique et environnement, et se faire plaisir, sans pour autant chercher le Graal.

En parallèle, Young continue de sortir de ses archives des live qui commencent à redonder. Mais la dernière pépite en date, elle, vaut son pesant de cacahuètes. C’est le solo acoustique Carnegie Hall 1970, à se procurer impérativement en vinyle. Le travail sur le son y est fabuleux, au point où vous avez l’impression d’avoir Neil en personne dans votre salon, comme si le concert avait été enregistré la veille. Du grand art ! Et 23 titres immortels de « Ohio » à « Helpless », de « Southern Man » à « Cowgirl In The Sand », ou de « Down By The River » à « After The Gold Rush ». C’est sûr que quand on écoute cette période dorée et qu’on se met « Barn » après, ça fout le bourdon. Mais Neil reste Neil et quelques bons moments émaillent cette dernière livraison.

Neil Young & Crazy Horse Barn band 1

L’ouverture « Song Of The Seasons» est une fausse piste. Un titre acoustique, à l’accordéon gênant, qui fait penser un poil à Harvest Moon mais dont la guitare et l’harmonica rehaussent la portée. « Heading West » retrouve l’électricité de Crazy Horse et ça fait plaisir de se projeter dans un son qui nous a tant transportés. La chanson n’est pas forcément top mais ça fait illusion, good old days… Le son saloon blues de « Change Ain’t Never Gonna » rappelle d’autres mauvais titres d’albums peu anciens et incite à passer à autre chose, surtout avec son thème sur la voiture et le pétrole. « Canerican » et son riff d’ouverture attire de suite l’attention. Bon, encore une fois Neil parle de sa double nationalité, canadienne et américaine, mais le morceau reste très Crazy Horse avec son déluge de guitare. « Shape Of You » n’a pas l’excuse d’avoir été enregistrée bourré ou stone, donc on pardonnera peu les excès de ce titre très bof.

Plus intéressant et beaucoup plus réussi, « They Might Be Lost », qui commence comme un classique du loner et qui nous embarque dans son inquiétude mélancolique. Un morceau qui utilise le groupe comme toile de fond pendant que Neil raconte une histoire et qui du coup contraste avec les mises en place un peu foutraques qui ont toujours caractérisé Crazy Horse. Splendide. On repart dans du gros son avec « Human Race » qui aurait pu figurer sur les opus enregistrés avec Promise Of The Real. Plaisant grâce à de bonnes décharges électriques de guitare, malgré un chant et un chœur moyens. La ballade « Tumblin’ Thru The Years » semble familière (normal, la mélodie vocale rappelle un peu Daniel Lanois et le piano d’anciennes mélopées Youngiennes des années 90 par exemple) mais impacte peu. Les quasi neuf minutes de « Welcome Back », elles, s’imposent comme un grand moment de Barn, hypnotiques, où l’on suit fasciné les échanges des cordes de Young et Lofgren. Enfin, « Don’t Forget Love » clôture ce Barn par une chanson peu convaincante, mais qui colle bien avec un certain style de morceau que nous gratifie Neil depuis, allez… Storytone.

Neil Young & Crazy Horse Barn band 2

Barn n’est certainement pas un grand album, ni un album médiocre du loner. Un opus qui a quand même le mérite d’offrir quelques bons moments et de faire lever la jambe au Crazy Horse un peu plus haut que d’habitude. Mais finalement, on n’attend plus rien de Neil Young. Juste un album de temps en temps, histoire de se dire : « putain Neil Young c’est quand même une légende ».  Nous avons une rubrique à Clair & Obscur qui s’appelle « L’album de trop ». Je pense qu’on a passé le cap avec Neil depuis bien longtemps et que, finalement, on s’en fout. Comme lui, oui !

https://neilyoungarchives.com/

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