Meer – Playing House

Playing House
Meer
Karisma Records
2021
Pascal Bouquillard

Meer – Playing House

Meer Playing House

Clair et Obscur c’est mon «  Zoosk », mon «  Match » de la musique. C’est génial pour rencontrer des groupes que tu ne peux pas rencontrer autrement, parce qu’ils n’ont pas de couverture médiatique et avec qui tu finis par avoir une véritable histoire de cœur : Jack O’ The Clock, Mercury Tree, Monoglot, Bruit, Traces D’Illusions pour ne citer que ceux qui m’ont intégralement bouleversé les oreilles. On n’est pas payés mais qu’est ce que c’est bon ! Si tu te sens l’âme d’un chroniqueur, tu devrais venir rejoindre l’équipe.

En attendant, voilà un nouveau candidat à ma collection de bonheur inattendu : Meer, le groupe qui vient du froid. À la différence de l’espion du même nom, ces descendants de barbares reconvertis musiciens sont Norvégiens. « En 2008, il s agissait d’un duo » nous dit le dossier de presse. Eivind Strømstad à la guitare et à la bague de fiançailles a épousé sa high school sweetheart, Johanne Kippersund, chanteuse et sœur de Knut Kippersund, également chanteur de son état. (nda : si j avais eu un second fils, j’aurais aimé l’appeler Knut. Ça passe partout Knut, c’est presque un nom de Shaddok, Knut). Ce même Knut, donc, n’est autre que l’heureux finaliste du Melodi Grand Prix 2014 qui a participé à l’émission « The Voice » made in Norway en 2017. Mazette quelles références ! Les autres membres sont des copains de lycée qui ont progressivement (bah oui, forcément) rejoint le groupe et y sont depuis 2011. Comment ça, tous ces trucs sont « ringards et compagnie » ? Tu ne deviendrais pas un peu étroit d’esprit, mon ami progueux, sur tes vieux jours ?

Meer Playing House Band1
Bon, j’ai vérifié, effectivement, c’est super ringard et compagnie mais ça n’enlève rien aux qualités vocales de l’interprète. Je dirais même plus, cette petite connexion à la musique de variété très, très grand public offre aux compositions de Meer, pourtant harmoniquement chiadées et aux chiffrages rythmiques fraîchement complexes, une instantanéité bien appréciable qui semble, pour le moment, résister à l’épreuve des écoutes répétées. Il faut dire que l’orchestration riche en cordes et les talents d’arrangeur de Eivind étoffent considérablement les compositions. C’est d’ailleurs ce qui saute aux oreilles dès les premières écoutes ; ça et là, qualité exceptionnelle des prises de voix (il est fort cet ingé son !). Johanne et Knut sont des chanteurs extraordinaires (puisque je ne peux pas dire « hors paire » Ouarf ! Ouarf ! Ouarf !), qui chantent ensemble depuis leur plus tendre enfance, de manière presque télépathique et le grain de leurs voix si intrinsèquement semblables, quand suavement ils susurrent leurs textes dans un anglais impeccable, est hautement capillo-érectile. Il y a d’ailleurs un soupçon de Gentle Giant chez Knut. J’ajouterais qu’à l’inverse, les coups de gueule de Johanne dans certains morceaux, notamment « Here I Go Again » (titre supplémentaire qui ne se trouve pas sur le CD), ne laissent planer aucun doute sur les capacités de son organe en cas de différents artistiques ou conjugaux. Le pauvre Eivind n’a qu’à bien se tenir ou retourner à ses chères compositions.
L’album Playing House suit leur premier opus éponyme de 2016 et compte onze titres même si le dixième « Where Do We Go From Here » sonne, à mon sens, comme la véritable conclusion du voyage. « Lay It Down » et « Here I Go Again » ne sont que des réminiscences presque inutiles d’une œuvre que tu as immédiatement envie de revisiter. « Picking Up The Pieces » est un petit bijou du genre où se conjuguent plaisance et complexité, beauté et puissance, qualité des arrangements instrumentaux et vocaux. Tout l’album est résumé dans cette première plage. Si tu n’aimes pas, laisse tomber et passe à autre chose.
« Beehive », c’est leur chanson préférée en concert. Johanne chante un peu « à la Björk » et tu y retrouves encore tout ce qui caractérise le groupe : un gros son (parfois trop gros, trop de compression), une voix à tomber à genoux, des arrangements de cordes délicieusement écrits au service d’une orchestration aux petits oignons et, toujours par-ci par-là, hors mix, un son issu plus directement du genre électro (si tu le cherches un peu, au casque, tu vas retrouver cette signature originale presque sur tous les titres de l’album). « All At Sea » débute comme une petite valse acoustique et introduit la merveilleuse voix de Knut qui caresse ton tympan jusqu’au refrain (toujours super tubesque) où Johanne le rejoint et harmonise sa partie. Les parents devaient se régaler pendant les voyages en voiture, quand leurs enfants chantaient des heures pour passer le temps. La plage suivante, « Song Of Us » s’enchaîne directement, gardant la même pulsation ternaire et la même harmonisation vocale impeccable. « Child » dévoile son couplet en douceur… et en 13/4 (et joue avec tes nerfs si tu essayes comme moi de trouver le premier temps de la mesure). Il m’a fallu un autre moment pour identifier la signature rythmique de « You Were A Drum » mais je peux fièrement te dire qu‘il s’agit d’une mesure en 18/16 (ou 9/8 si tu peux décomposer) suivie par une mesure en 5/16 ! Oui madame ! Quand on aime le prog, on aime les mesures bancales (le terme technique est « asymétriques ») et si on aime les mesures bancales alors on aime aussi pouvoir les identifier. D’habitude j’aime bien te donner des trucs pour pouvoir compter et le découvrir toi-même mais dans ce cas, il va falloir que tu t’accroches tout seul comme un grand, parce que, tu vas voir, c’est pas évident de rester en place quand Johanne commence à chanter. Soit dit en passant, l’instrumental (plutôt du violon mais je préfère rester prudent) est déconcertant de fluidité tant la mélodie est aérée et évidente dans un carcan rythmique aussi complexe.

« Honey » débute avec un de ces sons électroniques si inattendus mais tellement bienvenus dont je te parlais plus haut (il va falloir se lever donc, s’il te plaît) : Un autre bijou de composition, d’arrangement et d’interprétation où Meer ne réinvente pas le style mais picore à droite et à gauche pour ton plus grand plaisir. Ce morceau et le suivant, « Across The Ocean » (le premier single de l’album dont tu trouveras le lien plus bas, alors baisse-toi un peu ce coup-ci) me font penser à Art In America, déjà chroniqué dans Clair&Obscur, que tu connais, par conséquent, déjà très bien…n’est-ce pas ? Le crescendo harmonique et dynamique de la fin de « Across The Ocean » est cependant d’une qualité d’écriture jamais atteinte par le groupe américain à la harpe à pédale. « She Goes » est une pièce très théâtrale et doit être géniale en concert. Voilà encore une chose qui ne va pas arriver de sitôt, perdu que je suis dans ma Caroline du Sud de malheur !

Meer Playing House Band2
Quand tu entendras les dernières notes de « Where Do We Go From Here », je serai sans doute déjà en train d’écouter l’album à nouveau depuis le début (ça fait presque un mois qu’il tourne en boucle), mais je suis certain que nous finirons par nous retrouver au détour d’un de ces groupes qui devraient faire honte à nos dinosaures jadis idolâtrés mais qui restent inconnus car reconnus seulement par les medias périphériques comme Clair & Obscur. Par dinosaures, je pense à Yes, au « nouveau » Arc Of Life dont je viens d’acheter le premier album et qui nous recycle la même camelote dans un nouveau paquet, les Neal Morse (cet ex-génie qui ne cesse de bégayer à présent), et même les Genesis et autres super groupes qui n’en finissent pas de se reformer même s’ils n’ont plus rien à dire et s’ils tiennent à peine debout (Et ce, avec tout le respect que je dois à mon Philou, mon cogneur-brailleur prog pop préféré, j’espère que tu me pardonneras). Dis donc, je ne serais pas en train de m’énerver, moi ? Je vais prendre mes pilules pour le cœur et commencer la saison 6 de «  Black List », ça vaudra mieux pour tout le monde. Tu viens ?

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https://meer.bandcamp.com/

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