Live Report : Galaad à Moutier
Les tables de la loi selon Galaad
Brenn est revenu, il a vu et il a vaincu
En 1996, la tournée du mythique album Vae Victis prit fin. Dans la foulée, Galaad se laissa imploser, laissant orphelins tous les amoureux de rock progressif francophone novateur, puissant et raffiné. Il n’en fallut donc pas davantage pour assurer au groupe ainsi qu’à ses deux albums (Premier Février et Vae Victis) le statut envié – non galvaudé – d’ovni helvète culte et culotté. En 2017, Galaad revient aux affaires et se lancera dans une série de dates estivales qui ne manqueront pas de raviver la flamme de cette musique inclassable et unique : du rock progressif métissé, soit le mariage inattendu entre Léo Ferré, Faith No More, Ange ou Dream Theater.
18 mars 2017 : Le coup d’envoi a donc lieu à Moutier, fief de nos musiciens, aujourd’hui gaillards quadragénaires. Un festival organisé par et pour la cause séparatiste jurassienne dont le peuple devra se prononcer, en juin prochain, sur le choix d’une autonomie politique, en marge de l’ours bernois. Ainsi, quelques légendes régionales, telles que Difficult to Cure ou Dr. Snuggle, ont proposé leur rock musclé et racé devant un parterre de mélomanes joyeux et participatifs. La troupe à Pyt conclura donc la programmation, tête d’affiche évidente d’une telle soirée.
L’introduction magique de « L’épistolier », titre d’ouverture de Vae Victis, se fait déjà entendre quand la foule se masse devant la scène afin de vivre ce rêve éveillé qu’est la résurrection de l’espoir rock suisse d’une époque hélas révolue, celle d’une presse musicale pléthorique et qualitative (Qui ne se souvient pas de Best ou Rockstyle, deux magazines qui ont placé nos Prévôtois au pinacle de la musique progressive d’expression française ?). Parfaite entrée en matière, envoûtante et puissante, à l’instar du mythique « Splintering Heart » qui ouvre souvent les concerts des Anglais de Marillion, à qui Galaad doit également beaucoup.
Les musiciens tiennent la forme, le son est convaincant et pêchu, l’interprétation – sans failles – respecte avec humilité les arrangements (parfaits) de la production originelle du disque. On est de suite rassuré en constatant que la voix du leader charismatique et possédé n’a pas changé : toujours habitée, claire et maîtrisée même si, de fois en fois, le choix de l’octave la plus grave s’avère un excellent compromis. On reste naturellement à mille lieues des poses pitoyables que doivent parfois assumer des chanteurs aux cordes vocales lessivées (Ian Gillan de Deep Purple ou James LaBrie de Dream Theater). Pierre-Yves peut ainsi être fier d’assumer son âge avec classe et courage. Le charme opère toujours, même sans les cheveux. L’interprétation de la quasi-totalité de l’album de 1996 (« A Chacun Sa Cible » ne sera hélas pas exécuté) permet au parolier de démontrer l’étendue de ses talents théâtraux : grimé en Indien sur le sublime « La Danse De La Perte », fou à lier névropathe dans « Seul », faux meurtrier dans le légendaire « L’Ecolier Assassin » de Malicorne. Les ombres de Fish (Marillion) et de Christian Décamps (Ange) enveloppent le public. Galaad sait bien que la force d’attraction de sa musique tient autant dans le magnétisme de son vocaliste que dans la précision millimétrée de ses exécutions instrumentales. Le temps passe vite, une dynamique reprise de Faith No More achève de mettre le feu à la foule en transe quand apparaît, enfin, la bête tant attendue : « La Loi De Brenn », morceau de bravoure du quintette : 12 minutes de folie mélodique, de textes poignants, de soli furieux. Ecouter ce morceau et mourir, tel pourrait être l’adage du fan transi qui attendait ce moment depuis des lustres, se contentant de la version studio dantesque achevant de transformer Vae Victis en joyau noir. Après un tel tour de force, la salle vit sa petite mort avec dignité. Un rappel, « Une Rose Noire » et la messe sera dite.
Dignité : voilà peut-être le maître mot de cette prestation mémorable. Galaad est la preuve que l’on peut être et avoir été. Sans remarquer le poids des années. Dates annoncées pour l’été.
Christophe Gigon
Photographies de Claude Wacker
Merci pour ce compte-rendu. Content de voir qu’ils tiennent toujours la forme! Un peu déçu tout de même de ne pas avoir pu les (re)voir, mais deux heures et demie de voiture depuis Genève pour voir un concert à 23 h 30, ça faisait quand même beaucoup pour des vieux comme ma dame et moi.
On se rattrapera lors de la tournée d’été.
Il y a des personnes dont le journalisme est le métier et qui, parfois – souvent ?- publient quelques inepties convenues et il y a des personnes dont la passion est la musique et qui -via leur métier- restituent avec hauteur couleur ( et pédagogie ) et émotion un concert mythique d’une réformation non moins mythique. On a de la chance ce matin car moi qui n’ai pas vu Galaad à Moutier j’ai presque autant de frissons que notre chroniqueur préféré !
Merci à toi Père Gig !
Vincent Bélet