Human Impact – Human Impact

Human Impact
Human Impact
Ipepac Recordings
2020
Jéré Mignon

Human Impact – Human Impact

Human Impact Human Impact

Human Impact a tout d’un trajet souterrain, déambulation toujours plus profonde, sale et inévitable. C’est la descente d’escalators mal entretenus, la progression dans ces couloirs insalubres, l’attente sur les quais poussiéreux, une ligne de métro dont on emprunte le tracé. Chaque arrêt aux stations est un panorama d’une société, actuelle celle-là. On y découvre mosaïques, carrelage gris faussement clinique, moisissure, sol jonché de déchets, personnes allongées sur des cartons recyclés, d’autres qui toussent, attendent aussi, montent fébrilement pour embrayer dans ce voyage de coin de rue au son de sirènes et de portes qui se ferment brutalement. Puis vient un arrêt, un autre, suivi d’un autre, encore et encore. Pas de lumières, si ce n’est artificielle, une angoisse qui monte, augmente et gonfle, quotidienne mais toujours avec son lot de nouveautés, un empilement industriel de ressentiments, sang et odeur camouflées. Human Impact c’est ce voyage, métro-boulot-dodo, les yeux baissés, la bouche masquée dans ces bas-fonds utilitaires constamment explorés, jamais vraiment connus. C’est aussi le noise-rock dans ce qu’il a plus de plus imprévisible. Le sentiment de danger. De ces rythmiques volubiles et martelées, cette lourdeur qui frappe tout en restant groovy, une osmose architecturale impossible à déliter entre basse et batterie renforçant le sentiment quasi claustro et phobique de ce premier album.

Oui, il y a de la peur dans ce premier essai. Peur de l’avenir, de l’environnement proche, de l’aspect tentaculaire d’agglomérations en récession devenant métaphores d’esprits perdus, détraqués ou en recherche d’appui et de repères. Et à la barre de cet édifice, y a du super line-up, celui qui fait d’abord froncer les sourcils parce qu’on se dit que les super groupes c’est souvent décevant… très, trop, même. Bref… Au tableau, on a le bassiste Chris Pravdica et le batteur Phil Puleo des Swans, Jim Coleman de Cop Shoot Cop (les amateurs des 90’s comprendront et sortiront leur plus gros sourire nostalgique) aux synthés et autres triturations, sampling, modulations etc… Et on termine avec Chris Spencer. Maître à penser, guitariste, membre fondateur et tête d’hydre de Unsane. Unsane qui n’existe plus dorénavant. Spencer l’a dit et l’a confirmé juste avant le premier concert de Human Impact. Unsane est mort… Grosse perte pour la scène noise-rock tirant vers le sanglant, la violence urbaine et la misère de caniveau dégoulinante mais c’est un état de fait. Terminé les slides bluesy-cradingues sur pédales d’overdrive, intempestifs et virulents en direct des canalisations, la voix passée au papier de verre et cette rage de glaviot éructée à la gueule du monde. Maintenant, on vire à l’insidieux, au confinement, on laisse parler les ambiances, on laisse le climat s’instaurer, s’imposer sans déviation possible.

Human Impact Human Impact Band 1

Human Impact est plus fataliste, moins frontal certes mais tout aussi étouffant. Ce qui serre la gorge ici c’est la concentration, la solitude dans la multitude, des immeubles toisant ceux qui marchent les uns sur les autres, les regards qu’on n’ose croiser, les contacts proscrits et la connerie humaine qu’on croit déceler dans n’importe quel geste. Ceci n’exclut pas toutefois quelques moments de chaos maîtrisés et cette ambiance semi-viscérale, semi-industrielle mortifère concoctée par un Jim Coleman en très grande forme donnant le change à un Chris Spencer contraint de sortir de sa zone de confort, que ce soit dans son jeu de guitare que dans ses partitions vocales. Comment une simple note de piano répétée inlassablement devient un leitmotiv entêtant auquel se greffent contributions et charpentes. Il s’y dégage ce « petit » quelque chose, un sentiment de solitude prenant le pas sur une violence directe et sans filtres. Un cocon faussement protecteur qui ne permet qu’embraser d’autant plus un désarroi déjà gagnant car sans obstacles.

Human Impact Human Impact Band 2

Human Impact c’est de l’observation sociologique, arbitraire et empirique mais dont on ne trouve rien à redire tant il se révèle implacable. Et jamais, Human Impact ne laissera cette impression faillir. Elle y est, on la touche, on la ressent comme une mauvaise effluve, dans ses constructions, ses prises de risques et son inflexibilité. Peut-être que le sang ne gicle pas à la gueule comme pouvait le fournir avec intensité Unsane mais c’est dans son calfeutrement clinique, son autarcie de sanatorium, qu’il révèle ses meilleures cartes. Une construction rythmique digne d’une muraille infranchissable (la basse de Chris Pravdica y fait des merveilles de syncopes rondes) couplée à un jeu aussi dialogué que persévérant entre Jim Coleman et Chris Spencer, agissant de cœur tels des cartographes désabusés et observateurs d’un monde à la dérive paranoïaque et complotiste (même si on n’évite pas certaines rimes lourdingues typique de Spencer). Human Impact parle de nous, simples êtres humains prisonniers, pétris de contradictions néfastes. Et en cela, ce premier album se montre déjà comme une plus-value d’une année 2020 morose et anxiogène.

https://humanimpact.bandcamp.com/album/human-impact

 

PS : le groupe a « profité » de la situation mondiale actuelle pour mettre en ligne un nouveau morceau au titre plus qu’invocateur, « Contact ».

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