Zio – Flower Torania
Posh And Rock
2020
Rudzik
Zio – Flower Torania
Il était une fois un groupe britannique fort apprécié dans nos contrées qui décida de mettre la clé sous la porte, j’ai nommé Karnataka. Son batteur ainsi désœuvré, Jimmy Pallagrosi, notre Mike Portnoy frenchy, décida alors de monter Zio, emmenant dans son sillage la douce Hayley Griffiths et, pour l’accompagner au chant, That Joe Payne (ex The Enid). Le créatif claviériste Olivier Castan (Franck Carducci), l’énergique bassiste Lzi Hayes et le posé guitariste Marc Fascia (daddy Marc pour les intimes) vinrent compléter ce line-up ma foi fort éclectique.
Et voici que débarque le premier opus de ce nouveau groupe, quoique déjà bien rodé sur la route et notamment fort remarqué sur la scène du Crescendo 2018. Et pas n’importe quel opus : c’est un album concept très ambitieux qui a germé dans la tête de Jimmy. Flower Torania est un condensé de ses expériences de vie, les bonnes comme les moins bonnes, sur fond de SF et de comics des années 80’s. Dans les rêveries du petit Toby, il met en scène le héros de l’histoire, Alan (That Joe Payne), la fleur mystérieuse Flower Torania (Hayley Griffiths), Belbi (Heather Findlay de Mostly Autumn) affligée d’une malédiction l’interdisant à jamais de sourire et le méchant (eh oui, il en faut toujours un !) campé par le… gentil (pour ceux qui le connaissent bien) Franck Carducci. Il y a donc une belle et longue liste d’invités dans laquelle on remarque également Richard Henshall (Haken), Alex Lofoco, Cagri Tozluoglu, Alphonso Alfano etc.
L’histoire est plutôt ésotérique, enfin surtout les textes qui sont très interprétables. Il existe un projet de BD en cours qui apportera certainement un éclairage complémentaire à l’histoire. Sachez qu’Alan est partagé entre sa volonté de mettre fin à la malédiction de Belbi et celle de trouver la terre promise pour que Flower Torania puisse s’épanouir en buisson de roses. Il parcourt ainsi trois mondes : Burbwood subissant une guerre galactique, Oldati Forest détrempé et inondé et enfin le futuriste Shorroma, tout ça sous la menace du puissant NATO. C’est sûr : y a de quoi faire !
Je résume : concept de SF, multiples chanteurs et invités jouant les rôles de multiples personnages, ça ne vous rappelle rien ? Bon sang mais c’est bien sûr ! Ayreon. Certes, mais pour ceux qui sont fans de la surabondance vocale et de la grandiloquence des productions du Hollandais volant, ce que propose Zio est sensiblement plus direct, ce qui n’est pas pour me déplaire. Il ne s’agit donc pas d’un ersatz mais plutôt d’un projet apparenté empruntant régulièrement des trajectoires différentes.
Tout d’abord, Jimmy n’a pas assuré de façon dictatoriale la direction conceptuelle de Flower Torania. Olivier s’est fortement impliqué dans l’écriture et surtout dans tout le remarquable artwork graphique mi cartoon/mi manga du livret. Marc Fascia a également apporté toute son expérience du monde des jeux vidéos. Ensuite, nous ne sommes pas submergés par une orgie de vocaux doublés de synthés omniprésents. Bien entendu, nos différents et surtout talentueux chanteurs sont souvent mis à l’honneur. En particulier, le duo formé par Joe et Hayley fait des étincelles (« Wings Inside »), mais nous n’assistons pas à de très concurrentielles montées dans les aigus qui finissent par lasser. Bien au contraire, on sent qu’ils donnent totalement dans la complémentarité et ça marche. Ça tombe bien car ils sont déjà complémentaires visuellement sur scène. Que vous soyez accro aux filles ou aux garçons, vous y trouverez votre compte et comme me dit souvent un pote athée, « Dieu m’a donné des yeux, c’est pour m’en servir ! ». Jimmy, que j’avais vu un tantinet trop omniprésent en live, nous la joue fort heureusement très technique, appliqué, mais sans sombrer dans la démonstration. Si l’écrin graphique est remarquable, le sonore l’est également, œuvre de Jimmy associé aux manettes à Marco Casaluce.
Musicalement, si Hayley donne d’entrée un premier aperçu de sa sensibilité vocale, Jimmy attend le second morceau pour sortir de sa boîte, tel un diable à ressort resté trop longtemps enfermé, sur le single « X-Ray » aux deux parties très différentes (rock puis franchement metal prog) et entrecoupées par la voix méconnaissable de Franck (« Stop dreaming Alan, you’re going to fail »). Joe Payne montre qu’il peut donner dans un registre bien plus large et rock que celui gothique auquel il était astreint dans The Enid. Sans doute en guise de clin d’œil à la période où se situe le concept de Flower Torania, « Gold And Power » se montre très 80’s avec sa rythmique disco et les claviers vintage d’Olivier. On le retrouve très à l’honneur pour le final grandiose du bluesy « Straight Up From Underneath ».
Il n’intervient que sur un seul titre mais quel titre : Richard Henshall balance la purée sur le monumental « Jupiter » et nous gratifie d’un solo ahurissant ! Il est certain qu’il n’est pas venu pour faire de la figuration. La suite n’est pas moins éclectique avec la valse dramatique « Erwin’s Opera » se travestissant métalliquement sur fond d’électro. Le quatuor vocal formé par Franck, Heather, Joe et Hayley réalise une prestation épatante sur ce morceau. Une sympathique partie de basse de Lzi précède un solo à la Carlos Santana. Étonnant ! Nous ne sommes pas au bout de nos surprises. L’énormissime mid tempo « Inner City Shorroma » précède le léger et court « Ma Petite Histoire » sur lequel il est amusant d’entendre Heather chanter en français. On l’imagine bien le regard illuminé lorsqu’elle susurre « J’ai les étoiles plein les yeux ». De façon inattendue, la pop débarque le temps d’« Interstellar List » (et non, ça n’est pas la liste de tous les intervenants sur cette galette) rythmé par des claquements de mains entrecoupés de riffs metal prog. On termine avec un titre acoustique composé de claviers et d’accordéon permettant l’épanouissement du bouquet floral que constitue ce premier album de Zio.
Le terreau était fertile, aussi la Flower Torania a trouvé l’endroit paradisiaque pour enfin s‘enraciner. L’histoire ne dit pas si Belbi a finalement retrouvé le sourire mais on dirait bien que moi si car cet album me donne la banane à chaque fois que je me le passe.
https://www.facebook.com/JimmyPallagrosiZIO/