Year Of No Light – Vampyr
Year Of No Light
Musicfearsatan
Oh ! L’exercice casse-gueule en puissance, et le truc qui sent l’opportunisme intello. Et voilà que je te fous un ciné-concert du film de Dreyer à la claustrophobie plus qu’avancée, et voici que je te refais la bande sonore du métrage. Pleins, mais alors pleins de groupes et artistes se sont pétés les dents sur ce genre d’exercice, quitte à trouver une orientation nouvelle, intéressante (souvent), mais (souvent) inadaptée. Autant dire qu’après une claque comme « Ausserwelt« , je ne percevais pas la sortie de ce disque comme une bonne chose. Force est bien d’avouer que les coquins de Year Of No Light savent surprendre. Oh, on reconnaîtra bien des passages de leur précédent effort, ici et là, éparpillés à certains endroits, légèrement retravaillés, dépouillés même, mais on trouvera aussi des drones insondables (choses dont le groupe nous avait peu habitués), des montées lentes, sinueuses, attractives empêchant de se focaliser sur autre chose (2 ans de tournée pour parfaire le tout).
Une fois l’objet mis, impossible de s’en détacher (par pitié, évitez ces MP3 et ces coupures obligatoires entre chaque fragment). On peut toujours soumettre que l’ensemble est par moment moins cohérent, statut cinétique oblige, et qu’on a l’impression de passer de chapitre en chapitre comme on change d’acte dans un récit cinématographique. Toutefois, on ne peut nier l’aspect atmosphérique, illustratif certes, mais respectueux du matériau original avec une reprise du « Dies Iraea », puissante et gorgée d’émotion. C’est dans sa simplicité d’exécution doublée d’une rigueur horlogère que Year Of No Light transcende son exercice. Ses teintes post-rock se colorent d’une amertume étouffante, ses parties sludge-post-ce-que-tu-veux se mettent en sourdine, conscientes de ne pas avoir leur place ici-bas.
Le rythme souligne les accents telluriques des guitares dans un rituel ténébreux. On ne regarde pas vers le ciel, au contraire, on fixe un point souterrain, celui de l’impénétrable, de l’inconcevable, celui qui échappe à toutes pensées rationnelles. On plonge dans les entrelacs mortuaires, on se perd dans les chemins dédaléens, romantiques parfois, spectrales plus fréquemment, vents souffreteux amenant des odeurs de vielles pierres imbriquées et poussières centenaires. Et on plongera plus en plus profondeur, chaque écoute révélant une part d’ombre, un interstice, autant de passages secrets grinçants et délectables.
« Vampyr », c’est le noir complet, les vibrations au maximum, les images intérieures, d’abord floues, puis claires par la suite. Laissez-vous guider par votre ami imaginaire membraneux. Car, au final, on se fait sa propre histoire de « Vampyr »…
Jérémy Urbain (8/10)