Wiegedood – De Doden Hebben Het Goed
Wiegedood
Consouling Sounds
Pendant un bref et court instant, j’ai bien cru que cet album débarquait des drakkars norvégiens (où mes séances de trek sont ajournées, pas grave, je vais faire du sauna en Finlande). C’était ce côté glacial qui pénètre sous les ongles, me faisant découvrir des poils dressés dont j’ignorais l’existence, mais aussi cet aspect linéaire, inéluctable, l’inutilité de résister à cette vague de mélancolie. Dès le premier enchaînement, on voit les arbres se tordre sous un vent brutal, le bois qui, à l’usure, craque, pète, et choit au sol, alors que le ciel reste invariablement surchargé de gris. Sentiment tenace d’apparaître au milieu de nulle-part, bombardé à l’intérieur d’un rêve engorgé d’atmosphère d’où on n’ose crisper le moindre tendon, préférant ressentir les tourments d’un environnement angoissant dont le climat extrême force la fermeture avancée des paupières.
Pour la description, je crois que c’est convenable, on tient le bon bout. Sauf que là, exit les denses forêts sauvages de Norvège et bienvenue dans les mornes plaines Belge de ma seconde patrie. Et oui, ce premier album de Wiegedood (« mort subite du nourrisson » en flamand, paye ton ambiance) arrive à raviver ce climat délicieusement déliquescent et si particulier sans autant en paraître passéiste, ce qui est un challenge personnel. Mais n’oublions pas le contexte.
(Ceci est la parenthèse explicative de Jéré Mignon) : Wiegedood, combo formé durant l’été 2014, est la réunion de membres de groupes tels Rise And Fall, Oathbreaker et Amen Ra, appartenant à la Church Of Ra, collectif d’artistes belges (pour la plupart) liés par une vision commune de l’art, exprimée de manière aussi bien musicale que visuelle (installations, performances, vidéos…), et dont le membre instigateur n’est autre que AmenRa. Ça tombe bien, c’est leur bassiste Levy Seynaeve (ici à la guitare et au chant) qui tient la barre. Autant dire que le bagage ne se limite pas aux samedis dans le garage. Alors que les membres officient dans un registre hardcore chaotique ou post-metal, c’est dans le metal noir, avec du « post » et de l’atmosphérique dedans, que cette branchette bourgeonnante trouve sa force. (C’était la parenthèse explicative de Jéré Mignon)
Et pour une première embardée, Wiegedood réussit là un exploit. L’album n’est pas trop long (38 minutes), les quatre titres, bien que linéaires de prime abord, se permettent des apartés mélodiques et minimalistes sans qu’aucune micro-seconde de cette ambiance lugubre ne se relâche. On reste à fleur de terre gelée, tension constante dans cette même interrogation de naissance et de mort. Le chant, rude, aussi sain qu’une tête en décomposition dans mon frigo, accompagne ce trajet aussi riche en terre givrée que traversée d’éclairs flamboyants, rappelant Wolves In The Throne Room à mon bon souvenir.
Et quand retentit cette voix désincarnée d’une jeune femme dans la langue d’Alexandre Soljénitsyne, on se prend d’un dernier frisson. Le dernier dans ce vide où l’existence a été pressurisée, ces ultimes instants où on s’entend, littéralement, reprendre son souffle, où on réapparaît hors de ce rêve, les effluves mélancoliques laissant une dernière empreinte. D’une trace, substance à demi-évaporée, Wiegedood laisse planter une griffe, et que peut-on demander de mieux pour un premier album ?
Jéré Mignon
https://wiegedood.bandcamp.com/releases
Et un live dans une église. C’est gratuit :