White Willow – Signal To Noise
White Willow
The Laser's Edge
Au fil de ses innombrables changements de line-up, White Willow n’a jamais cessé de se remettre en question. Au folk-rock emphatique d' »Ignis Fatuus », premier album enregistré en 1994 par une brochette de 19 (!) musiciens, ont donc succédé le prog’ gothique d' »Ex-Tenebris » en 1998, puis le symphonisme somptueux de « Sacrament », en 2000. Publié en 2004, « Storm Season » a pris à contre-pied tous ceux qui souhaitaient que la formation perpétue ad vitam eternam les recettes artistiques du passé. Cette œuvre, utilisant de manière intensive le mode mineur (« Sally Left ») et exhibant une rage désespérée digne du early King Crimson (« Insomnia »), joue, en effet, délibérément la carte du contraste à l’intérieur d’un même morceau, entre des séquences acoustiques délicates et des riffs de six cordes saignants à souhait (« Nightside Of Eden », « Chemical Sunset »).
Fidèle à sa quête perpétuelle d’évolution, le combo offrait deux ans plus tard, sur « Signal To Noise », une inspiration une fois encore subtilement renouvelée. Rejoint au chant par la belle Trude Eidtang, dont le timbre velouté évoque tour à tour Björk, Sinéad O’Connor et Petronella Nettermalm (Paatos), le gang norvégien nous propose ici neuf compositions remarquables d’éclectisme et d’intelligence. Dotées, grâce à Tommy Hansen (TNT, Helloween), d’une production dopée au jus de burnes de taureau, ces pièces de choix se plaisent à brouiller les pistes. Le bien nommé « Joyride », célébrant la rencontre iconoclaste entre les Cocteau Twins et la Tori Amos de Little Earthquakes, dévoile ainsi une « insoutenable légèreté de l’être ». Autant dire que certains fans de la première heure ont pu être déroutés sur le coup. Mais ils ont bien vite été rassurés, car en effet, leur formation fétiche délivre, par la suite, de gargantuesques rations de mellotron fantomatique et d’atmosphères torturées.
Brillant exercice de style et de composition, ce millésime 2006 abrite, pour schématiser quelque peu l’analyse, deux catégories de morceaux. Côté pile, on trouve des titres sombres et tendus faisant la part belle au chant. Citons la plage d’ouverture « Night Surf », au rythme lancinant et aux arpèges de guitares dépressifs à souhait, ou le ténébreux « Ghosts ». Côté face, maintenant, le groupe se fend de pièces épiques à la construction alambiquée et aux arrangements extrêmement touffus. Le triptyque « The Lingering »/ »Chrome Dawn »/ »Dusk City » constitue, dans ce registre, une réussite exemplaire. Le combo y fait feu de tous bois à grands renforts de claviers analogiques, de basse saturée, de guitares stratosphériques et de flûte pastorale.
On aura compris que cet opus, cohérent et personnel, est une petite merveille. Il est certes court (cinquante minutes et des poussières d’étoiles), à l’inverse de la majorité des productions actuelles, mais il ne soufre d’aucun temps mort ni point faible. Superbe !
Bertrand Pourcheron (9/10)