Wailin Storms – Rattle
Antena Krzyku , Gilead Media
2020
Jéré Mignon
Wailin Storms – Rattle
Wailin Storms sent le marécage, ses rebords, sa vase, son fond opaque, sa consistance semi-liquide et ses histoires, tout aussi opaques et pas nettes, enfouies. Un lieu métaphorique. Aux téméraires d’y déposer un pied ou d’y plonger une main, dans la mélasse de cette abstraction… Entité… ? Idée… ? Tout d’un prêche vindicatif de pasteur sauf que le pasteur, ben il n’est pas là ce con… Et pourtant, ce qu’on y retrouve dans tout ça, c’est la puissance se lovant avec une certaine fragilité. Les ressentiments humains se confondent avec un destin capricieux. Ici on parle de suicides, meurtres, religion (forcément), la face cachée d’une pièce et le côté gratté, écorné d’une carte postale naïve, trop propre.
Bon, jusque là, je dirai rien de neuf… Est-ce qu’on vit dans un monde de merde ? Forcément que oui… C’était une question piège. Et tellement pour Justin Storms (fondateur du projet) que ce dernier n’a besoin que de mots épars pour rappeler cette merde qui colle aux pompes. Chez Wailin Storms, on n’est pas super bien coiffé, les chaussures ne sont peut-être pas aussi bien cirées que celle d’un poète en représentation mais on y va avec cœur, sueur et rage. Ressenti d’autant plus notable dans l’efficacité des structures empruntant autant au swamp blues le plus moite que dans le débordement noise-rock de frappes musclées et d’accélérations punk ne cherchant pas à se retenir. C’est pour les fragiles et les pécores. Wailin Storms nous fait divaguer tels des pantins dans les cimetières, les enseignes abandonnées, les quartiers à la gentrification pas encore appliquée avec son lot d’histoires tragiques, meurtrières/religieuses, bêtement humaines enterrées dans les lignes opportunistes d’un fait divers et/ou d’une coutume locale. Quand on vient du Texas, ça refoule sec alors on déménage et on extériorise. On ne cherche pas à révolutionner, on crache ses tripes. On retient ses coups, on joue sur l’attente avant de foutre une bonne beigne. Parce que de pralines, Wailin Storms ne manque pas une occasion de nous en infliger. Par ses textes, cette voix légèrement réverbérée, ses coups de butoirs donnant l’impression d’être plongé dans une bagarre d’un pub crasseux. Et puis viens la descente, la bonne vielle murge du lendemain qui laisse un constat amer dans un grognement matinal.
Rattle, c’est une tranche de vie typiquement américaine peut-être, mais une tranche de vie quand même. Celle qui nous fait sentir fort et vulnérable à la fois, celle qui nous rappelle que si on est peut-être des bouseux, on en est pas moins dignes et curieux. Et cela sans fioritures et paillettes, dans une poésie réaliste de guitares qui crachent, aussi rondes que tranchantes, d’une voix séductrice d’un bayou de pouilleux et d’une énergie brute et obstinée.
Un peu plus d’une demi-heure et c’est plié.
Merci…