Ulver – War Of The Roses
Ulver
Kscope/Jester Records
Le nouveau Ulver est en train d’atterrir dans les bacs, donc votre humble serviteur a décidé de se refaire intégralement la discographie du groupe Norvégien. Et si je m’arrête sur celui-là plus qu’un autre, c’est pour me rendre compte de l’écart stylistique, et aussi clairement qualitatif, de cet album par rapport au reste des enregistrements. Le précédent, « Shadows Of The Sun », pouvait apparaître, à bien des instants, comme un brouillon, certes traversé de fulgurances electro/ambient du plus bel effet, mais une ébauche quand même. « War Of The Roses », car c’est bien de celui-là qu’on parle, est clairement un ratage complet, indigne du groupe et par moment franchement insupportable. J’aurais déjà du m’en douter à l’instant où j’ai pris l’objet dans les mains. Petite mise à niveau : Ulver, une fois passé sa période black-metal, a vogué vers de nouveaux horizons, triturant aisément avec la fougue d’un bambin, l’électro, le classique contemporain, le rock psychédélique et l’expérimental de plein pot. Il était d’ailleurs difficile, voire impossible, de deviner ce dont on pouvait s’attendre à chaque sortie du groupe, ce dernier aimant briser les règles et les points d’accroches, dans le seul but de proposer une approche transversale, et pour tout dire sensitive, de l’écoute.
Tout cela conférait une aura vaguement unique, ou du moins difficilement cernable et autre que géographique au combo. « War Of The Roses » est le versant pop vaguement « rockisant » d’Ulver… Et c’est loin d’être une bonne came, et encore moins une réussite. Soyons clair, la pop, je n’ai rien contre. Quand elle est bien faite, c’est forcément agréable et intelligent à l’instar d’un Syd Matters ou d’un The Bewitched Hands. Non, ce qui rend cet album d’autant plus oubliable, c’est au choix : des morceaux paresseux, une écriture sans risque, une prétention dégoulinante, une promotion poussive. Ajoutez à cela l’attitude d’un Garm étrangement hautain, voilà qui achève bien des jugements.
« War Of The Roses » ne contient aucune pépite. Les titres sont aussi ternes que la pochette, le chant, pourtant si singulier de Garm, est ici sans saveur et même énervant, caricatural car non utilisé à bon escient. On frise même le ridicule avec ses vagues sursaut de guitares en arrière fond tout droit sortis des années 80 (si, si écoutez bien), sans compter cette voix féminine commune (donc oubliable car déjà entendue) n’apportant rien à un ensemble bien pauvre, si ce n’est un sentiment de redondance et un caractère tenace de facilité désobligeante (La patte Ulver ?). Ah oui, mon avis tranche par rapport aux chroniques généralement dithyrambiques, mais ce n’est pas parce que c’est du Ulver qu’il faut forcément crier au génie.
Merde, remettons-nous un Yeti Lane et écoutons les mélodies d’un Tenhi ! Le point d’orgue reste cependant ce très long morceau final de quinze minutes, plus « ambient » certes, mais si chiant, et encore une fois sans goût, ni fumet, pour tout dire d’une arrogance post-bobo redoutable (Daniel O’Sullivan est tellement content d’être dans là qu’il bouffe tout le territoire). Et le comble, tout ça sans aucun signe de la folie, naïve soit, mais délicieusement douce-amère et misanthrope à laquelle le groupe nous avait habitué et séduit. Ici, vous ne trouverez pas de charme, seulement des morceaux carrés, pros, bien enregistrés, mouais… et la sale sensation de bouffer une coquille vide.
Cela en devient même trop facile de taper sur ce disque, mais le fait de l’avoir subi, doublé d’une déception pas encore consumée avec « Shadows Of The Sun », m’oblige à la sévérité la plus tenace (l’album ne vieillit même pas bien en l’espace de seulement deux ans). Il y a des moments où on préfère une timidité créatrice… « War Of The Roses » est plus qu’une contrariété, c’est un plantage insupportable. Dura lex, sed lex. Et PAF !
Jérémy Urbain (3/10)