Tormentor Tyrant – Excessive Escalation Of Cruelty
Everlasting Spew Records
2025
Lucas Biela
Tormentor Tyrant – Excessive Escalation Of Cruelty
Même si Tormentor Tyrant sortent cette année leur premier enregistrement longue durée, ses membres ne sont pas nés de la dernière pluie. Jugez-en par leur CV : chacun compte vingt ans d’expérience dans au moins trois autres groupes. De plus, nos Finlandais ont fait leur preuve aussi bien en matière de funeral doom metal et death/doom metal que de death metal ou de black metal. Alors on est en droit de se dire que la maison Tormentor Tyrant, spécialisée dans le metal extrême, a recruté les meilleurs profils. C’est effectivement le cas à l’écoute d’Excessive Escalation Of Cruelty. La pochette pouvant s’apparenter à des clins d’œil à Morgoth, Morbid Angel et Sodom, c’est bien un mélange de death metal et de thrash metal qui nous est servi.
A la grande loterie des formations de metal extrême actuelles qui sortent du lot, Tormentor Tyrant semblent bien partis pour avoir le numéro gagnant. Et ce n’est pas parce qu’ils innovent, mais parce qu’ils agencent avec brio les éléments qui ont fait la gloire du thrash metal, du death metal et du black metal à l’aube des années 90 du siècle dernier. N’ayant en effet que faire des modes djent, sludge, metalcore, post- ou -gaze, c’est à travers les marches menaçantes et les courses effrénées héritées des pionniers du metal extrême qu’ils partagent leurs riffs puissants. De sa voix gutturale, c’est sur un ton impérieux (oserais-je dire tyrannique ?) que Matti Mäkelä, dit M.Malignant, fait régner terreur et fureur sur les contrées que ses troupes ont pour mission de dévaster. Pour accentuer la colère et l’autorité, cette voix se teinte des couleurs contestatrices du grindcore, notamment avec l’alternance de cris de révolte stridents, les mêmes que ceux qu’on pouvait entendre dans les premiers Napalm Death. A ce titre, « Capital Of Pain », avec les nombreuses « barricades » aigües tentant de contenir les vociférations graves dans les accélérations ébouriffantes, illustre bien ce propos. Suivant la progression des bataillons, la voix adapte le phrasé et le rythme : c’est un vrai travail d’acrobate qui s’engage alors entre le degré d’emportement et le débit des paroles.
« Heavy Death Bombardment », avec ses nombreux changements de rythme, est un bon exemple des difficultés rencontrées par Matti et son compère Sami Iivonen, alias S.Envenom (l’autre membre crédité au chant). Et de variations dans la cadence, il est question tout au long de l’album. En effet, pas de place aux temps morts ni à la monotonie. Les riffs sont certes décapants mais leur vitesse et les émotions qu’ils suscitent sont tout aussi variables que le rythme imposé par la batterie. En harmonie avec cette dernière, ils offrent une colonne vertébrale indispensable à une musique caractérisée par des mouvements assez imprévisibles tant les obstacles sont nombreux sur la trajectoire. Dans un morceau comme « Crueler Tomorrow », quand les guitares sont tour à tour effarées, effrayantes ou insistantes, c’est une histoire bien mouvementée qui nous est narrée en l’espace de trois minutes. Et ce n’est qu’un exemple parmi d’autres. Bien que la musique s’apparente à un grand huit tant sur le plan de l’exécution que des sensations qu’elle procure, on regrettera les répétitions ad nauseam à la fin des morceaux « Torture Divine» ou « Heavy Death Bombardment ». Ces moments vont en effet à l’encontre du côté imprévisible tant mis en avant dans cet opus. De même, l’ouverture a cappella de « Terminal Revelation » avec ses voix mélangées passe difficilement sans l’accompagnement musical. On pourrait en effet presque penser à des chiffonniers cherchant chacun à avoir le dernier mot. En revanche, cet enlacement intermittent des chants au cours du morceau ajoute à la dimension horrifique. Mais vous l’aurez compris, ce sont des points de détail qui n’entament en rien le travail par ailleurs fort remarquable du trio.
Forts d’une longue expérience dans divers sous-genres du metal extrême, nos trois Finlandais de Tormentor Tyrant livrent avec Excessive Escalation Of Cruelty une œuvre qui fleure bon l’impétuosité et la fraîcheur des albums majeurs du style. Ce premier opus longue durée ne dépassant pas les 30 minutes, espérons que les nombreux autres engagements musicaux des membres du trio ne constitueront pas un frein à la sortie d’efforts plus longs, ainsi qu’à une tournée qui permettrait de mieux diffuser leur musique.