Tori Amos – Gold Dust
Tori Amos
Deutsche Grammophon
Voilà 20 ans que le premier album de Tori Amos, « Little Earthquakes », est sorti. 20 ans que Tori Amos enchaîne les albums, avec des hauts et des bas musicalement, mais toujours avec une démarche artistique admirable, variant les styles, et une honnêteté et une fidélité touchante envers ses fans. La belle Tori a souvent été comparée à Kate Bush, autre artiste maître du piano, aux atmosphères envoûtantes et à l’univers unique. Même si Tori adore Kate, elle s’est pourtant détachée progressivement de cette influence pour bâtir une carrière fondée sur l’exploration des bösendorfers et autres wurlitzers, à travers des thématiques féministes, religieuses (elle est fille de pasteur et s’interroge beaucoup sur la religion, assez durement parfois !) mythologiques ou sociologiques. Le résultat est assez unique et vaut vraiment la peine de s’y attarder, tant les harmonies vocales, les mélodies et la puissance des pianos fascinent et interpellent.
A la fois reflets de notre société et introspectives, les chansons de Tori Amos sont toutes basées sur ses expériences de la vie, des événements historiques, ses lectures ou sur des peintures, ou encore sur les conversations qu’elle a eu avec les gens qu’elle a rencontrés. Pour elle, ces chansons ont une vie propre, elles évoluent dans le temps, dans la perception que chacun en a, et musicalement dans les structures dans lesquelles elles prennent vie sur scène. « Gold Dust » est un état des lieux de 14 chansons, réenregistrées avec un orchestre symphonique et deuxième album paru sur le prestigieux label Deutsche Grammophon. Mais revenons un peu sur l’évolution de Tori Amos.
« Little Earthquakes » en 1992 nous révèle une artiste qui a décidé de remplacer les guitares par le piano, et c’est non sans mal qu’elle a pu faire paraître cet album, refusé à maintes reprises car ne rentrant pas dans les canons habituels du genre. Sur cet opus, moults classiques de la belle dont « Crucify » qui tournera énormément en radio. Dans « Me and A Gun », chanté a cappella, elle évoque son viol sans détour d’une manière assez troublante. Elle dénoncera les violences faites aux femmes, tout au long de ses albums, et deviendra un exemple pour le mouvement féministe américain. Elle créera d’ailleurs une association venant en aide aux victimes d’abus sexuels. Le successeur de cet album, « Under The Pink » en 1994, est un peu plus accessible et contient le hit « Cornflake Girl » qui la popularise pour de bon ! Puis changement de ton en 1996 avec le chef d’œuvre « Boys For Pele », expérimental, introspectif, hypnotique, révélant un univers à la fois familier et inquiétant, aux paroles cryptées, avec l’arrivée du clavecin, d’un peu de guitare et de batterie (tenue par Manu Katché). Un must de la belle, déconcertant… et réjouissant !
Changement de direction à nouveau avec « From The Choirgirl Hotel » en 1998, où le piano se fait plus discret aux profits des guitares et batteries, beaucoup plus sombres qu’auparavant. Sa manière de chanter devient plus agressive Poussant encore plus loin son univers musical, ce sont carrément des éléments électroniques qui sont introduits dans « To Venus And Back », paru en 1999, donnant à cet album un aspect inédit, que Tori ne retrouvera jamais. Peut-être l’album le plus aventureux de Tori Amos, accompagné par un solide live. « Stange Little Girls » en 2001, voit pour la première fois Tori endosser des personnages différents pour la pochette de son album ; ainsi il sera disponible avec 4 pochettes différentes. Sur celui-ci Tori décide de reprendre 12 chansons écrites par des hommes, et de donner le point de vue d’une femme sur celles-ci. Elle reprend notamment « ’97 Bonnie & Clyde » de Eminem, « Enjoy The Silence » de Depeche Mode », et d’autres morceaux de Lou Reed, Neil Young, Slayer, ou The Beatles. Le résultat est stupéfiant d’intelligence.
Les attentats du 11 septembre l’affectent particulièrement, et Tori change son point de vue : elle parlera désormais non plus de ses tourments intimes, mais de notre société et de politique. « Scarlet’s Walk » en 2002 lui ouvre une voix plus sereine dans l’interprétation, plus commerciale sans doute, mais qui sera essentiel afin de parler à un plus grand nombre. L’album est excellent, et chacun des 18 titres est chanté d’un point de vue d’un personnage différent. En 2005 sort « The Beekeeper ». Les albums deviennent de plus en plus conceptuel, de plus en plus rempli aussi, ici 19 titres dont un duo avec Damien Rice. « American Doll Posse » est publié en 2007 avec 23 morceaux ! Puis en 2009, « Abnormally Attracted To Sin », où elle explore les thèmes du bien et du mal. Durant ces années, Tori est prolifique mais perd un peu de son intensité. Ses compositions s’en ressentent : elle est plus mûre, mère de famille, habite en Irlande dans un coin tranquille, sa pop sophistiquée a évolué, en bien et en mal. Sur scène, par contre, la beauté de sa musique transcende tout ! Il faudra attendre la fin de l’année 2009 pour que Tori s’aventure un peu ailleurs, avec l’album de Noël « Midwinter Graces », splendides réinventions de musique traditionnelle et de nouvelles chansons, où la voix de Tori fait des miracles. 2011 voit son premier album paru sur le label Deutsche Grammophon, « Night Of Hunters ». Enregistré avec des musiciens du classique, l’album est une variation sur des thèmes écrits par entre autres Satie, Chopin ou Bach, où elle explore la mythologie Irlandaise. Une réussite envoûtante.
Enfin, « Gold Dust » cette année nous propulse dans l’histoire musicale de Tori Amos, avec l’orchestre symphonique The Metropole Orkest. Les 14 titres choisis sont plutôt représentatifs de son univers, citons pour les plus réussis « Flavor », « Precious Things », « Winter » ou « Silent All These Years ». L’orchestre souligne les émotions, leur amène parfois une dimension cinématographique, ajoutant ici ou là, très subtilement, un autre point de vue au morceau. Si vous êtes déjà fan de la belle Tori, cet album vous procurera autant de plaisir que les précédents, et l’ajout symphonique permet une redécouverte de ces titres, même si fondamentalement, ils ressemblent aux originaux. Si vous ne connaissez pas cette artiste unique, vous ne pourrez que tomber amoureux(se) de cette voix chaude et pleine d’émotion. Vous en avez de la chance, vous aurez 13 autres albums à découvrir !
Fred Natuzzi (7/10)
Tu as gagné, je vais commencer par cet album 😀 (PS: il n’est pas sur tes dernières compils en plus!).
Mieux vaut tard que jamais…Pour un novice sur le sujet, la chronique est précise, parait exhaustive, et brosse un portrait dont les contours paraissent désormais beaucoup plus nets. But
achevé: curiosité titillée! A découvrir donc…
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