This Gift Is A Curse – I Guilt Bearer
This Gift Is A Curse
Bloated Veins
Maintenant que c’est la fin du monde et que le calendrier Maya n’a pas eu la délicatesse de renouveler son abonnement à la Poste, autant chercher la bande-son ultime de l’apocalypse. Oh, je sais bien, j’aurais pu prendre n’importe quel groupe à tendance black-metal, maquillage de panda rigolo au fond du bois de Vincennes pour illustrer la chose, mais… Le cocktail Martini a explosé dans les dernières vapeurs de gaz. Les entrailles de la Terre se sont ouvertes. Avec elles, l’enfer est à nos portes, sa chaleur à fait fondre les visages, ses créatures grotesques et terrifiantes rampent au sol. L’hystérie collective a renversé la normalité, la société économique et médiatique n’est plus. Baudrillard ne peut s’empêcher de rire devant son triomphe tardif post-mortem. Les viscères jonchent le sol. « The Walking Dead » n’est plus une série TV, mais la réalité quotidienne. Oui, on n’a pas vraiment envie de rire, de toute façon, ce n’est plus possible. Humain, on n’en a plus que le nom et encore moins la forme. Les corps tressautent sous l’impulsion. Les muscles se tordent par la férocité des gestes. Les voix hurlent, aboient, invectivent et rugissent.
Le rythme est bizarre, psychotique et habité. De la frénésie… « This Gift Is A Curse » est fureur, acharnement. Un retour primal, une survivance. Encore un peu et j’aurais cru avoir affaire à un groupe de black-metal, de sa pochette ésotérique à certaines voix tendant vers les aigues, en passant par son logo tout moche, sorti du début des années 90, « made in Norway ». En fait, non, c’est une sorte de hardcore, mais pas vraiment celui auquel on pense. Les années 80, c’est fini tout ça, maintenant, le terreau a germé et a enfanté.
C’est dans sa crudité et sa nudité d’appareil que cet étalage de viande se décharge. Cette plante qui a grandi et poussé est carnassière, elle maintient pour mieux hurler sa rage désespérée et frontale. Il n’existe pas de barrière, seulement une déflagration, des larsens éreintants, des drones souterrains, une production désenchantée sans pour autant se la jouer brouillonne. « I Guilt Bearer » est proprement effrayant, étouffant jusqu’à la démesure. Une telle charge d’animosité de cette trempe, mes esgourdes n’en avaient pas pris depuis fort longtemps. Rarement est-on écrasé de la sorte, mouche aplatie sur la vitre, emporté dans un maelstrom de colère faisant ressortir la main titanesque de Neurosis et l’angoisse des Swans.
Ne restent qu’essoufflement et halètement. Je suis calciné, à point. La fin du monde n’a pas besoin d’un calendrier de routiers Mayas en string mais d’une incinération sonore brute et d’une crudité à se peler les oranges. « I Guilt Bearer » montre et démontre une forme d’apocalypse qui grossit des caves obscures. Car le véritable cataclysme n’arrive pas au coin de la carafe, mais il se prépare insidieusement, sournoisement, avant d’exploser au plafond avec le chauffe-eau. « This Gift Is A Curse » m’a refait vivre cette exaltation bestiale qui avait disparue depuis. Il n’y a rien à dire, c’est juste Enorme.
Jérémy Urbain (8,5/10)