This Gift Is A Curse – A Throne Of Ash
Season Of Mist
2019
Jéré Mignon
This Gift Is A Curse – A Throne Of Ash
Avec This Gift Is A Curse, il y a toujours eu depuis leur première sortie cette sensation tenace d’assister et de se prendre en pleine gueule ce qui ressemblerait le plus à la fin du monde. Une ambiance chaotique de sol qui tremble, des murs qui se craquellent et une dimension qui se fissure. Une violence difficilement contrôlable même pour les musiciens composant cette entité et ce grain de folie… Cette folie atteignant un stade submergeant de quasi absurdité. Néo-libéralisme abrutissant, capitalisme outrageant, déchéance programmée, ignorance et sectarisme des masses. Les portes des enfers se sont ouvertes, ne reste plus qu’à contempler, les yeux opaques et vitreux, l’anéantissement du monde.
L’apocalypse ne descend pas du ciel et des étoiles mais des entrailles de la couche terrestre. A Throne Of Ash, c’est une main décharnée, voyez, qui attrape, serre et ne qui lâchera dorénavant pas son étreinte, ne serait-ce d’un ongle incarné. L’hystérie n’est pas présentée, elle habite déjà les foyers, elle prend une tournure grotesque, d’errance hagarde et d’êtres désarticulés gesticulants. C’est la démesure, totale, la perte des récepteurs cognitifs, l’abandon dans des cris plus inhumains les uns que les autres et un sentiment d’oppression qui ne quittera jamais l’écoute. Si on excepte le morceau introductif dont les martellements semblent ouvre un chemin sarcastique, le reste ne sera qu’une succession de violence aberrante, de distorsions, larsens et hurlements de ce chanteur fou aux yeux révulsés. Si ce n’était que ça…
C’est le cahier des charges diront certains, pas de quoi de fouetter un cochon, mais toujours This Gift Is A Curse a su injecter des mélodies décharnées et insidieuses, des moments d’accalmies et de silences mesquins à la frontière de la contemplation rendant les explosions d’autant plus viscérales et macabres. Ces passages boueux lorgnent ouvertement et grassement du côté du sludge quand on ne part pas dans les chemins accidentés et dégueulasses du death industrial (Thomas Martin Ekelund du projet Trepaneringsritualen (https://trepaneringsritualen.bandcamp.com/), niveau malaise ça se pose là) et rendent l’ensemble plus funeste et mortifère mais toujours dans cette sorte de chaleur étouffante et surnaturelle. Car on sue à l’écoute de A Throne Of Ash, on ressent la matière se coller au visage dans un nuage de particules cendrées et vient juste l’envie pressante de plonger sa tête dans l’eau pour évacuer la couche qui s’est déposée. C’est sale, malsain tout en gardant cette énergie punk/hardcore chaotique, plus discrète, peut-être, dans ce magma black metal virulent qui cherche toujours à aller plus loin quitte à se répéter car sur A Throne Of Ash on ressentira plus une vague déferlante pétant genoux et nuques qu’on ne ressortira globalement un point d’acmé. Monotonie ? Nan ! Plutôt une décharge jusqu’au-boutiste sacrifiant ci et là passages atmosphériques et prises de risque pour arriver à ce parpaing aux contours ésotériques qui n’a qu’un seul et unique but : ravaler la putain de façade mais toujours avec cette senteur de cendres, de souffre et de sang coagulé au fond de la gorge.
Alors peut-être qu’on perd la diversité de All Hail The Swinelord qui arrivait à briser les attentes et que le morceau final n’a pas la puissance (malgré la présence de Johannes Persson de Cult Of Luna) et ne provoque pas autant de remous que sur les précédents albums (pourtant une marque de fabrique des suédois)… Oui c’est vrai mais, bizarrement, et d’après ma propre expérience du groupe en live, A Throne Of Ash est ce qui se rapproche le plus de l’impression et de cette sensation aussi bien d’urgence, de brutalité intransigeante et de chaos ésotérique qui laisse groggy. Et là, je viens de me rendre compte que j’étais devenu une de ces créatures désarticulées qui erre dans la masse et c’est, peut-être, la seule chose que j’attends en 2019.
https://thisgiftisacurse.bandcamp.com/