The Wooden Wolf – Nocturnes & Other Songs Op. 2

Nocturnes & Other Songs Op. 2
The Wooden Wolf
2013
Press Eject And Give Me A Tape

The Wooden Wolf - Nocturnes & Other Songs Op. 2

Un soir de solitude. Un de plus, venteux, à faire bailler les soupiraux d’ennui. La télé, poussiéreuse et éteinte, n’amène pas grand-chose. Les compulsifs de la zapette consumériste gonflés d’arrogance crasse, je les laisse. Ils sont invisibles au final. Ils n’apportent rien. Devant mon ordi, ma bière, ma clope, trio gagnant du geek tendance névrotique, j’allais et venais. Page après page, sans but précis, seulement le geste mécanique de cliquer et de voir apparaitre, écouter une nouvelle page (si on est sur bandcamp). Et puis, un clic en amenant un autre (clic, clic), j’en arrive sur une. Une page comme tant d’autre. C’est d’abord la pochette qui interpelle, souvenirs d’études et d’autres croquis hâtifs toujours plus beaux que le projet finalisé. C’était un soir de solitude. Les arbres décharnés vibraient des brèves bourrasques alentours. Un projet plus ou moins solitaire, Une voix écorchée s’élève, dont le vent semble amener chaque particule. Des petites pierres qui roulent et qu’on regarde sans savoir pourquoi, une voiture qui passe au lointain. Une guitare aux arrangements simples mais tellement adéquats, enivrants. Souffles. Souvenirs encore. C’est bon. Il y respire l’humilité, la manière de partager, la douceur acre du romarin. Les grands espaces…

Oui, j’y pense comme ça. Ça parait tellement simple, gratuit, neuneu. Le folk et les grands espaces, merci l’artiste. L’espace et l’intime. « Gravity » sur le plancher des vaches, « Pat Garrett & Billy The Kid » en orbite. Les terrains vagues et vierges, ocres, touffus et denses, le livre écorné de Christopher McCandless dans un coin du sac-à-dos entre le carnet de croquis A4, les crayons et le réchaud Décathlon. Le réseau, en prime, ne passe pas, la carte Navigo ne sert à rien même si on la garde quand même dans la poche du jean, telle une relique, un signe d’appartenance abscons. C’est débile, quelque part. Passons… On respire chaque parcelle d’histoires. Celles d’amours perdues ou naissantes, de désillusions, d’espoirs comme une voix intérieure (« She Is Like A Song »). Ces chants, c’est notre dialogue, un de ceux qu’on se fait, seul, reposé, nez vers la fenêtre entre les néons blafards et les formes fantomatiques des branches des marronniers.

Un instant de rêve. J’ai ôté ma main, et mon regard, de mon écran. Il était temps. De sinueuses touches de violoncelle, de guitares électriques et autres craquellements électroniques s’insinuent, s’invitent dans cette promenade. Et voilà le moment où je n’arrive même plus à décrire ce qui se passe : fainéantise ou ivresse, les deux ? Plongée dans ces marches sur des paysages immenses et si intimistes, une chanson composée sur un matelas le temps d’un repos. Un loup se repose (« Wouldn’t They Be Flying »). Je revois ces courts moments (« The Devil Is A Woman »), dans mon sang. Au milieu des tourbillons de sable, je hurle à l’éclipse. C’était un soir. Un frisson parcoure l’échine fatiguée. La simplicité au service de l’émotion la plus viscérale. Doux comme du coton, triste comme celle qui nous entoure et qu’on n’arrive pas à retranscrire, indépendant comme la liberté qu’on revendique sans jamais l’avoir vraiment.

Ce soir, j’ai été pris, touché, épinglé comme une mouche sur une feuille de carbone. J’en ai ressorti ma guitare même si je suis bien incapable d’enchainer deux accords (c’est pour cette raison que j’écris, par dépit, forcément). J’ai fermé les yeux (« Black Velvet ») et je me suis laissé porter. J’ai comme qui dirait touché l’impensable, la mélancolie. Celle qui me fait du bien, qui ne me plonge pas dans le pathos nauséeux mais qui me rend plus robuste, meilleur. Paradoxe. Ce soir-là, donc au milieu de ma solitude de geek névrosé, de télé poussiéreuse et de fibre optique, j’ai fait une découverte. De moi-même, presque.

The Wooden Wolf, je voudrais et pourrais en parler durant des heures. Je ne peux pas. Pourquoi ? Et si je vous dis que « Something In The Ground » m’a amené autant de sensations que de larmes, vous me croyez ? « Knocking In Heaven’s Door » me toque dans mon hémisphère gauche. Si… Et avec ça, « Into The Wild », Will Oldham et Elliott Smith… Caresses, fantômes, inertie. Une barrière franchie… Un coup de cœur. Véritable…

Jérémy Urbain (9/10)

http://thewoodenwolf.bandcamp.com/

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