The Winery Dogs – Hot Streak
earMUSIC
2015
The Winery Dogs – Hot Streak
Ainsi, les Californiens de The Winery Dogs déboulent avec un nouvel album, deux ans seulement après le premier – seulement, compte tenu des activités diverses de nos trois gâchettes. Il serait fastidieux, en effet, d’établir la liste des productions de ces trois chiens fous, et leurs curriculums respectifs rempliraient plusieurs chroniques… Alors, parlons d’un album que j’attendais avec curiosité, ayant bien aimé le premier ! Et cet « Oblivion » en ouverture aiguise l’appétit avec un riff des familles ; ça sonne, ça joue (on n’en doutait pas !), et bizarrement on dirait du Mr. Big chanté par David Coverdale : surprenant, mais jouissif ! D’autant que la cavalerie de Los Angeles continue avec un « Captain Love » vitaminé, où le chant de Richie Kotzen poursuit ses « coverdalises » alternées de passages empruntés à Paul Rodgers : du Mr. Big à la sauce Free/Bad Company. Billy Sheehan fait swinguer sa basse et Kotzen envoie un joli solo, ça le fait encore… Surtout que le « Hot Streak » qui suit est terrible ! C’est catchy à souhait, Mike Portnoy pousse ses deux acolytes qui s’en donnent à cœur joie, ça swingue, ça défouraille dans tous les sens, Kotzen pousse dans les aigus et envoie un solo dont il a le secret dans un style haché et nerveux. « How Long » permet à Sheehan et Kotzen de faire du tricot, c’est bourré de vitamines et ça fait sauter les coutures de la chemise de votre voisine botoxée ! « Empire » poursuit dans le même style. Portnoy est plutôt sobre, mais à chaque morceau, le son de la batterie est vraiment travaillé. Kotzen ajoute une fibre vocale à la Chris Cornell (celui d’Audioslave). Tout ça commence à sentir l’autoroute californienne, ça roule, on est bien, il fait beau… Nos trois bronzés ajoutent des chœurs de bonne facture, Kotzen dégaine ses solos speedés (et celui-ci envoie du bois !).
Le registre change avec une première ballade, « Fire », magnifique, ponctuée de guitares hispanisantes où la voix de Kotzen se fait douce et envoûtante. Les premiers claviers interviennent, le solo de Richie est court mais coule parfaitement, les chœurs vous emportent, de la ballade comme seuls les hard-rockeurs savent en faire. Avec « Ghost Town », on croirait entendre la basse de Glenn Hughes et surprise, sur le refrain, sa voix ! Là, je dois dire que Kotzen me scotche. C’est bien la grande révélation de cet album : on tient là un chanteur d’exception qui, s’il n’arrive pas à se décider sur un style, montre une palette impressionnante. Et ses acolytes emboîtent le pas, dans un répertoire funky-soul inattendu ! Mon morceau préféré de l’album. Et ça persiste dans le genre avec « The Bridge », la voix étant peut-être plus personnelle sur les couplets, alors que les refrains sentent bon le Toto.
Et Kotzen de nous asséner des interventions à la Jimmy Page, saccadées, souvent à la limite, mais roboratives. « War Machine » poursuit dans la même veine, avec un côté Whitesnake dans le refrain. C’est assez classique, mais ça fonctionne bien, d’autant que Kotzen envoie encore de jolis paquets de notes. La ligne de basse de « Spiral » est pantagruélique, et Portnoy s’amuse à la Charley. C’est bon, mais je commence un peu à m’ennuyer… Heureusement, « Devil You Know » ramène les chevaux au galop et Sheehan s’excite à nouveau sur le manche de sa basse. C’est gras à souhait, et Kotzen joue à Sammy Hagar et Eddie Van Halen !
La fin de l’album arrive avec une ballade « soulisante » introduite au piano électrique : « Think It Over », entre Free et les premiers Whitesnake. Plutôt bien troussé ! « The Lamb » conclut, avec orgue Hammond et riff mainstream, un brin décevant comme atterrissage, notamment à cause de l’usage des claviers… Bref, on tient là un bon album, composé de bonnes chansons jouées par des orfèvres, mais qui ne transcende néanmoins par le genre des groupes de power rock… En revanche, on découvre encore un peu plus les qualités d’un Richie Kotzen vraiment excellent, que ce soit comme guitariste – ce que l’on savait déjà –, mais surtout comme chanteur – ce qui est la très grande et bonne nouvelle de ce Hot Streak.
La progression de The Winery Dogs me fait un peu penser à celle de Flying Colors, avec Mike Portnoy en trait d’union : un super-groupe, mais qui cherche encore sa voie, oscillant entre des styles maîtrisés mais pas forcément articulés. Néanmoins, TWD a trouvé sa voix, c’est celle de Richie Kotzen, et ce seul événement vaut d’apprécier cet album comme une des bonnes surprises de l’année.
Henri Vaugrand