The Universe By Ear – The Universe By Ear
Czar of Crickets
2017
The Universe By Ear – The Universe By Ear
The Universe By Ear est un power trio suisse originaire de Basel, chef-lieu du canton de Bâle-Ville, pierre angulaire du « district des trois frontières » (France, Allemagne, Suisse). Plutôt Suisses allemands, nos trois gaillards chantent en anglais, et ils le font fort bien. En se définissant comme un groupe de prog-blues psychédélique, The Universe By Ear ne se trompe pas, tellement la musique proposée puise ses racines dans le blues, tout en lui apportant des éléments psychédéliques et progressifs. En cela, TUBE (quel bel acronyme !) fait penser à d’autres power trios un peu du même acabit (on citera parmi d’autres les anciens comme Cream, ou Beck, Bogert & Appice, mais encore de plus récents comme King’s X notamment – en particulier pour les harmonies vocales). Mais au petit jeu de la comparaison, on pourrait ne pas s’arrêter là, tellement la musique de The Universe By Ear est foisonnante (peut-être trop, diraient certains).
Déjà, on ne peut que relever les qualités instrumentales et vocales de nos trois larrons. Que ce soit Beni Bürgin (batterie), Pascal Grünenfelder (basse) ou Stef Strittmatter (guitares), ils s’y entendent tous pour créer un univers cohérent ou nul ne dévoile la volonté de dominer les deux autres – le défaut de bien des guitaristes, surtout s’ils sont également chanteurs, dans les power trios –, les magnifiques parties collectives de chant étant là pour en attester. La formule adoptée pour ce The Universe By Ear est la bonne : aucun besoin d’un chanteur, d’un second guitariste, d’un claviériste, ou que sais-je encore…
En premier lieu, c’est bien l’influence de King Crimson que l’on ressent sur « Seven Pounds ». Mais un Crimson hybride, période Greg Lake, mélangé d’ère Boz Burrell, avec quelques influences de l’époque Adrian Belew – singulièrement, celle de The ConstruKction Of Light (2000) et de son « ProzaKc Blues » – et érigeant un pont digne de l’âge Wetton-Bruford. On s’attend à plonger dans cette ambiance pour le reste de l’album, d’autant que le morceau est très réussi (voir la vidéo ci-dessous). Eh bien, pas du tout ! « Repeat Until Muscle Failure » est un titre nerveux qui nous emmène plutôt chez King’s X et Biffy Clyro. Guitare épileptique, voix aériennes, c’est une petite bombe vitaminée.
Avec « Slam Your Head Against The Wall (Carefully) », The Universe By Ear insiste dans ce côté légèrement post-hardcore en y ajoutant complexité rythmique – le travail de Beni Bürgin est assez impressionnant –, gros son de basse – le jeu de Pascal Grünenfelder est également remarquable – et volutes psychédéliques des voix. « Dead End Town » est purement bluesy, mais d’un blues psyché lourd comme une répétition au fond d’une cave surchauffée. Cependant, de 2:00 à 2:30, The Universe By Ear y ajoute du bricolage expérimental. Basse et guitare sont triturées, augmentées d’effets. En fait, nos trois lascars ont des idées plein la tête et les changements se succèdent jusqu’à 3:37 et un superbe final très beatlesien que l’on peut aisément se passer en boucle tellement il est richement concocté.
« Idaho » accentue le côté psychédélique du trio. Les envolées d’arpèges de guitare et l’élaboration du morceau font irrémédiablement penser à Adrian Belew, mais également à The Claypool Lennon Delirium. L’impression est renforcée par un « Make It Look Like An Accident » groovy à souhait sur lequel Stef Strittmatter délivre un solo bien juteux. « High On The Hynek Scale » conserve cet aspect enlevé, avec un riff accrocheur et des parties bien senties – d’autant qu’il s’agit d’être haut placé dans le domaine des OVNIs !
Mine de rien, l’essentiel de l’album éponyme de The Universe By Ear a défilé sans que l’on s’en aperçoive, tellement les sept premiers titres sont impressionnants de qualité et fourmillants d’idées. Mais nous voilà avec le gros morceau : « Ocean/Clouds/Prism » et ses 9:54. C’est sur ce titre que le groupe déploie sa face la plus expérimentale, alliant l’aspect déjanté de The Mars Volta et le prisme technique crimsonien. « Dead Again » ferme le ban de The Universe By Ear avec de beaux arpèges de guitare et de magnifiques harmonies vocales entre The Beatles et King’s X reprenant le thème de « Dead End Town » !
En nous balançant son premier album en pleine tronche, The Universe By Ear n’y va pas par quatre chemins, faisant preuve de fraîcheur, d’inventivité et de qualité, tout en rendant hommage à de grands et vénérables anciens. Ce n’est vraiment pas pour rien que j’ai classé cet album dans mon Top 10 de l’année 2017 – voir le Tops et Flops de la rédaction de C&O ! Le combo suisse est certainement à suivre de près. Pour peu qu’il ait la capacité – et je pense sincèrement qu’il l’a – à se détacher de ses racines progressives parfois trop affirmées, et nous devrions avoir là un groupe majeur des prochaines années. En attendant de savoir si mon intuition se confirme, il est toujours possible de se délecter les oreilles avec The Universe By Ear et ses neuf compositions rutilantes et foisonnantes.
Henri Vaugrand