The Slow Show – Subtle Love
[PIAS] Recordings Holland
2023
Lucas Biela
The Slow Show – Subtle Love
Mieux vaut tard que jamais… Ce proverbe se vérifie avec la formation The Slow Show. En effet, notre quatuor originaire de Manchester a beau avoir sorti cinq albums depuis ses débuts en 2010, c’est seulement avec leur dernier en date que j’ai l’occasion de me familiariser avec leur univers. Et quel univers ! Cette voix de baryton tour à tour lamentée et chaleureuse, ces ambiances qui mettent à l’aise et ces mélodies à pleurer : c’est à un vrai déluge d’émotions que nous invite The Slow Show.
On voit beaucoup de sorties passer, et parfois, on tombe sur un groupe dont on n’a jamais entendu parler, mais dont le titre et la pochette d’album nous intriguent. Ce fut le cas pour moi avec la dernière offrande de The Slow Show, Subtle Love. Groupe qui tire son nom d’une chanson de The National, la bande à Rob Goodwin n’a pas choisi le chemin le plus simple dans le monde du rock. En effet, leur univers très feutré et empreint de douceur ainsi que d’ambiances réflectives, les rapproche davantage des musiques plus introspectives comme la chamber pop ou l’ambient pop que d’un rock à tout casser (que j’apprécie tout autant).
Chez The Slow Show en effet, impossible de ne pas être saisi par la voix si particulière de Rob, dans des tons proches de Stuart Staples (de Tindersticks) et de Leonard Cohen. S’y mêlent désespoir et espoir, dans des couleurs aussi bien vives que sombres. Tout un monde de contraires qui nous entraîne dans des aventures mélancoliques. Ce contraste dans les ambiances s’observe bien dans « Learning To Dance » et « Builder Boy », l’un pouvant être le reflet de l’autre tant la construction est similaire. On retrouve en effet dans ces morceaux Rob introduisant la chanson de manière sombre, avant qu’elle ne rejoigne la lumière dans la danse lancée par la batterie. De manière à contraster les couleurs du tableau, des influences classiques s’immiscent également de-ci de-là. Par leur charge émotionnelle, elles viennent sublimer l’ensemble. Ainsi, dès le morceau d’ouverture, les cordes apportent une touche romantique. Il en est de même du piano introductif du titre qui lui fait suite. « Tides », qui ne devrait pas faire de vagues (jeu de mots voulu) tant le propos est conciliant, ne se contente pas d’un piano dans ses références classiques, il va même jusqu’à se jeter à corps perdu dans un boléro tout ravelien. Et que dire de cet autre piano, bipolaire celui-là, dans le magnifique « Trainride ». Il passe en effet allégrement d’un univers satien propice à la méditation à un autre mozartien plus propice à la fête. Par ailleurs, quand ce n’est pas le violon qui s’impose, c’est la guitare classique (« Learning To Dance ») qui appuie la beauté du canevas. Par moments, on pourra aussi penser à la country/americana éthérée du magnifique artiste finlandais Mikko Joensuu (j’espère ne pas vous perdre en parlant d’ americana et de Finlande…). Ainsi, les vignettes acoustiques telles que « Royal blue » avec son duo vocal mâle/femelle, nous font voyager aux Etats-Unis, tout comme ces échappées de guitare sur « Tides », et à nouveau sur « Trainride », convoquent les images des grandes plaines arides du film Paris, Texas. De même, le morceau-titre, un tire-larmes en puissance, éclot dans l’écrin acoustique de cette folk/ americana éthérée et subtile.
Subtle Love, voilà donc un nom qui n’est pas usurpé. Il s’agit, comme on l’a vu, d’un album intimiste où l’apport équilibré des cordes, claviers, et guitare (et n’oublions pas la trompette sur « One Shot » ou encore sur le bien-nommé « Lament ») sait mettre en lumière une voix à la vaste palette de couleurs. The Slow Show sont en tournée cet automne. À la date où est publiée cette chronique, ils ont réalisé trois dates en France début octobre dernier. Dommage pour vous si vous êtes passés à côté de leur univers si personnel à l’occasion d’une de leurs performances.
magnifique……..