The Pineapple Thief : une nouvelle jeunesse chez Kscope
The Pineapple Thief Remaster Albums (Kscope 2001 – 2007 )
Il y a un gros malentendu avec The Pineapple Thief. Bruce Soord, son leader, a une voix que l’on peut comparer à celle de Thom Yorke de Radiohead, et son univers musical se rapproche plus d’un Porcupine Tree première période. Du coup, on l’a classifié très vite dans le rock progressif. D’ailleurs, c’est Cyclops, un label dédié à ce genre musical, qui publiait les opus du groupe jusqu’en 2007. Pourtant, les morceaux de The Pineapple Thief sont plus proches du rock atmosphérique que du prog pur jus, même s’ils sont teintés de résonnances dites progressives. Le label Kscope ne s’y est pas trompé et les a récupéré alors que l’anonymat les guettait. Si l’on doit qualifier le groupe, ce serait plutôt dans un post-prog atmoshérique, avec des accents de post-rock et de rock planant. Du moins jusque très récemment, avec un durcissement de ton remarqué, et une recherche plus électro dans le son.
Signer avec Kscope, c’est mettre en avant le potentiel commercial du groupe, et une assurance d’une reconnaissance plus étendue. Et pour cela, le label a eu la bonne idée de rééditer le back catalogue du combo britannique. The Pineapple Thief est un groupe très prolifique et ce ne sont pas moins de 5 cds qui se voient remasterisés. Par ordre chronologique :
« 137 » date de 2001. A l’époque, Bruce Soord écrivait des chansons dans son coin et pensait ne faire ça que pour lui-même et une poignée de fans. Sur ce deuxième album, Il présente 13 titres très pop-rock, avec des mélodies accrocheuses et plutôt sophistiquées. Le potentiel du bonhomme est là, flagrant, l’identité du groupe éclate dès le premier titre « Lay On The Tracks », tandis que « Incubate » aurait pu passer sur les ondes FM, et que « Doppler » montre bien une volonté de recherche musicale plus « progressive », tout comme « Release The Tether » ou les 11 minutes (peu convaincantes toutefois) de « PVS ». Le titre « 137 » annonce la couleur des albums à venir : une voix plus plaintive, une guitare acoustique et une répétition entêtante d’une phrase emblématique, avant un final plus corsé. Un album mi-figue mi-raisin mais gouteux quand même, et qui révèle un très bon guitariste en la personne de Bruce Soord.
Les choses deviennent sérieuses avec le troisième album « Variations On A Dream » en 2003 où The Pineapple Thief prend vraiment son envol. Les morceaux deviennent planants, comme un pont reliant Pink Floyd à Porcupine Tree, sans jamais perdre de vue une identité, bien sûr emplie d’influences, mais au résultat tellement réjouissant. « We Subside » mélange le symphonique et le planant avec une pointe de post rock, la mélancolie anathemienne acoustique de « This Will Remain Unspoken », les 8 magnifiques minutes planantes de « Vapour Trails » (un sommet du groupe), l’instrumental symphonique « Resident Alien », l’entêtant « Part Zero », le lancinant « Keep Dreaming », les différentes atmosphères sur 16 minutes de « Remember Us », tout cela rend « Variations On A Dream » comme un incontournable du groupe. Kscope en a profité pour l’accompagner du CD bonus de l’époque, un album complet appelé « 8 Days », tendance plus rock et plus instrumental, superbe complément à l’aventure The Pineapple Thief.
Deux ans plus tard, en 2005, un nouveau coup de maître : « 10 Stories Down« . Plus facile d’accès que son prédécesseur, la mélancolie ambiante se mêle à des compositions dynamiques comme « Prey For Me » ou le classique immédiat « Wretched Soul », très Radiohead. Des sons électro commencent à apparaitre par ci par là, rajoutant une dimension plus contemporaine aux morceaux. Brouillant les pistes, Bruce Soord élabore un album très différent du précédent mais qui imprime une marque de fabrique indéniablement efficace. « I Will Light Up Your Eyes » et « Who Will Light Up Your Eyes » sont deux sommets en fin d’album. « 8 Days Later », le CD bonus de cette édition, est encore meilleur que « 8 Days ». « King Street » est une merveille.
Un an plus tard seulement, The Pineapple Thief sort « Little Man« . L’album est la réponse émotionnelle de Bruce Soord à la mort accidentelle et tragique de son fils. Sombre et triste, il déroule un tas de sentiments forts, reflets d’un tourment intérieur poignant. « God Bless The Child » remue les tripes, « Wilting Violet » fait pleuvoir des notes de piano sur un paysage désolé, « Little Man » émeut, et le magnifique « Snowdrops » possède une beauté tranquille. Même si le contexte est gris, il reste cependant assez de force à Bruce Soord pour écrire des morceaux plus dynamiques, comme l’excellent final « We Love You ». Musicalement, « Little Man » revient un peu en arrière, et oublie les petites expérimentations de « 10 Stories Down ».
La pochette de l’album suivant, « What We Have Sown« , en 2007, est une des plus belles du groupe. Bizarrement, ce disque fut aussi le plus difficile à se procurer à un prix raisonnable. Heureusement, cette réédition redonne accès à un des opus les plus méconnus du groupe. Le son change à nouveau et redevient plus accessible, notamment sur le titre d’ouverture « All You Need To Know », à la mélodie efficace. Les cordes de « Well, I Think That’s What You Said » surprennent, tout comme son orientation plus heavy. L’instrumental « West Winds » expérimente sur des sons plus synthétiques. L’epic de 27 minutes « What Have We Sown », aborde des aspects typiquement progressifs, sans pour autant être alambiqué ou se mettre à faire des breaks tout le temps. On pense quand même beaucoup à Pink Floyd sur les 15 premières minutes, avant que les bidouillages électro ne prennent le dessus. 2 très bons titres bonus enrichissent cette édition et sont sans aucun doute de qualité.
Remercions donc Kscope pour ce formidable travail de réédition d’un groupe ni assez prog ni assez rock pour rentrer dans aucune catégorie formelle. Il ne reste plus qu’à attendre celle du premier album, « Abducting The Unicorn » et le tableau sera complet. S’il ne vous fallait qu’un album de The Pineapple Thief, optez pour « Variations On A Dream » qui est sans doute leur meilleur. La deuxième partie de leur carrière oublie un peu le côté aérien et planant mais n’est pas mal non plus. « Tightly Unwound », « Someone Here Is Missing », et « All The Wars« , sont tout à fait fréquentables !
Fred Natuzzi
« 137 » (7/10)
« Variations On A Dream » (9/10)
« 10 Stories Down » (8,5/10)
« Little Man » (8,5/10)
« What We Have Sown » (8/10)