The Flower Kings – Banks Of Eden

Banks Of Eden
The Flower Kings
2012
Inside Out

The Flower Kings – Banks Of Eden

The Flower Kings est incontestablement l’un des principaux chefs de file de la nouvelle déferlante créative et qualitative que connaitra le début des années 90 en matière de rock progressif « classique », avec l’apparition sur cette scène à l’abandon de formations aussi marquantes et durables que sont Spock’s Beard, Anglagard ou encore Echolyn (en 2012, chacune de ces trois là publiera aussi son nouvel album !) Après le néo-prog des années 80 (Marillion, IQ, Pallas et consorts) qui combinait alors, avec plus ou moins de succès, les ambitions du passé avec le nouveau « son » propre à l’époque, le « rétroprog » prenait le relais pour le plus grand bonheur des mélomanes nostalgiques mais aussi de nouveaux progfans en devenir (je sais de quoi je parle !), en réaffirmant des racines musicales profondément ancrées dans les glorieuses années 70. On assistait donc au retour en fanfare des indéboulonnables mellotrons, minimoogs, et, surtout, des fresques musicales jouissives, complexes, aussi alambiquées qu’interminables. The Flower Kings est peut être le groupe le plus emblématique de cette glorieuse renaissance du genre !

Le groupe est à la base un « power trio » suédois formé par le chanteur guitariste et touche à tout Roine Stolt (ex-Kaipa), avec Jaime Salazar à la batterie et  Hasse Bruniusson (ex-Samla Mammas Manna) aux percussions. C’est sous cette formule que Stolt publiera sous son nom « The Flower King », une référence immédiate, avec en invité un certain Hasse Fröberg (chant et guitare) qui jouera par la suite un très grand rôle dans l’histoire et la substance du groupe. En 1995, avec le renfort de Michael Stolt (le petit frère de Roine) à la basse et de Tomas Bodin au poste de claviériste en chef, The Flower Kings était né, en même temps que la parution de « Back in the World of Adventures » où l’on trouvera d’entrée de jeu toutes les influences combinées de nos suédois, Yes en tête, mais aussi Genesis, Pink Floyd, Frank Zappa, The Moody Blues, Procol Harum, Jethro Tull, King Crimson et bien d’autres. Ce cocktail ambitieux et réussi produira un « son » caractéristique immédiatement reconnaissable, marque de fabrique typique du groupe qui ne les quittera jamais vraiment tout au long de leur 20 années (déjà !) de prolifique carrière, sans réelle faute de goût, mais qui alternera le meilleur (« Stardust we are », « Space Revolver ») et le plus anecdotique (« The Rainmaker », « Adam & Eve »). Ce qui est sûr, c’est que chacun des albums produit par les Flower Kings reste toujours très fréquentable, et jamais personne, fan ou chroniqueur, n’a pu objectivement crier au fiasco artistique. Avec les Flower Kings, c’est vraiment une histoire de feeling personnel, et les avis sont souvent partagés quant à chaque nouvelle cuvée.

En général, il ne se passait pas deux ans sans que le groupe ne sorte un album studio tout neuf, et presque autant de doubles que de simples, car on ne rigole pas avec la productivité chez  Roine Stolt et ses acolytes ! Et je ne parle même pas des projets solos ou annexes dans lesquels chacun des musiciens est encore ou a été impliqué, parmi lesquels Kaipa, The Tangent, Transatlantic, Agents Of Mercy, Karmakanic, et j’en passe. Il nous aura fallu attendre ici pas moins de 5 années (bien remplies donc chez certains membres du line-up !) pour que le groupe ne revienne au devant de l’actualité, avec ce (pour une fois) très attendu « Banks Of Eden », succédant ainsi à un « The Sum Of No Evil » qui nous avait laissé sur notre faim, mais dans le bon sens du terme.

Ce  nouvel album a été enregistré « live en studio », à l’ancienne, au tout début de l’année 2012, avec quasiment la même formation que sur l’opus précédent. Le démissionnaire Zoltan Csörsz est juste ici remplacé par un jeune batteur allemand, Felix Lehrmann, qui apporte une nouvelle énergie au quintet, avec un style suffisamment éclectique pour s’adapter à toutes les exigences musicales du boulimique Roine Stolt, encore une fois crédité seul à quasiment toutes les compositions. Le bassiste Jonas Reingold signe en revanche la musique du cinquième et dernier titre, l’excellent « Rising The Imperial », peut-être même le plus beau de tous sur le plan mélodique et émotionnel. La distribution des rôles question parties vocales est heureusement beaucoup plus équilibrée, avec un Hasse Froberg bien présent, fort de sa tessiture puissante et à l’aise dans les aigus, on ne peut plus complémentaire avec celle de Roine Stolt (un peu comme si Jon Anderson et John Wetton avaient travaillé ensemble toute leur vie !) Ceux qui s’attendront à une véritable révolution dans la musique du groupe vu l’ampleur de temps inhabituelle consacrée à la gestation de ce nouveau disque risquent d’être déçus, car rien de bien nouveau avouons-le n’est proposé au menu. La force ce « Banks Of Eden », c’est d’abord le savoir-faire technique de chacun qui reste plus que jamais irreprochable, des compositions de haute volée qui font mouche (toutes, sans exception !) et une production de qualité, vraiment au top.

« Banks Of Eden » offre en effet son lot habituel de chansons mélodiques et symphoniques à souhait, mais ici sans temps mort ni faiblesse, avec en guise d’ouverture la longue suite progressive, exercice de rigueur  (« Numbers » et ses 25 minutes de bonheur), qui comptera désormais parmi les toutes meilleures réalisées par le groupe, aux cotés de « Sardust We Are », « The Truth Will Set You Free » ou « I Am the Sun », bizarrement sectionnée en 2 parties sur le génial « Space Revolver ». Le format CD ou LP « simple » permet au combo suédois de bien condenser son propos, évitant ainsi les digressions instrumentales parfois stériles qui venaient encombrer inutilement certaines oeuvres précédentes, et pas forcément les moins intéressantes d’ailleurs. Je pense ici tout particulièrement à « Unfold The Future », qui avec ses relents jazz rock inédits, avait le mérite de tenter quelque-chose de différent.

Pour conclure, sachez que « Banks Of Eden » est disponible en deux éditions, une simple et une limitée, avec un disque bonus sur lequel s’ajoutent 4 chansons finalement assez dispensables. Si vous êtes fan des Flower Kings, ce nouvel album vous procurera tout le plaisir que vous pouvez espérer. Si vous avez été lassé à la longue par les redites du groupe, vous pouvez peut-être vous abstenir, mais au risque de passer à côté d’un excellent album, qui se hisse sans peine au sommet de son importante discographie.

Philippe Vallin (8/10)

 http://www.flowerkings.se/

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