The Armed – Untitled
The Armed
No Rest Until Ruin
C’est un peu ma madeleine de Proust. La quenouille qui pénètre mon conduit auditif durant mon trajet jusqu’à mon boulot, méritant, mais sous-payé. Cette madeleine au pain d’épice, c’est l’agressivité nécessaire, celle qui évacue toute pulsion destructrice. Comme celle qui m’anime par exemple quand je découvre ici et là les commentaires de ces connards d’internautes lobotomisés qui ont raison sur tout. Rien que pour ça, je passe l’album une deuxième fois. Cet objet (téléchargeable gratuitement, précisons-le) sorti de nulle part est l’impeccable catharsis à ma rancœur et rage dissimulée. Il y respire une telle énergie, une telle envie d’en découdre qu’on en répond au trou de balle du métro. À ça, on joindra la participation de Nick Yacyshyn, batteur fou de la scène hardcore chaotique, au jeu précis et rock’n roll comme je les affectionne. En plus, le pépère officie dans Baptist et Sumac (nouveau groupe d’Aaron Turner du groupe Isis). Double pouce approbateur.
Mais ce n’est pas que ça Untitled, ce sont des riffs chirurgicaux qui te retirent une tumeur maligne de l’intestin, sans gants stériles, et cette voix qui pousse les performances de la glotte au paroxysme envisageable de l’être humain, sans omettre, toutefois, un ajout de saturation/distorsion forcément bénéfique, évoquant les charmants lurons de Trap Them. On dépasse le raisonnable, les blasts outrecuidants et néanmoins trépidants de la batterie, les chœurs gueulés avec cœur, le frénétique, global, qui accorde une (courte) respiration comme on accepte une dernière clope à un condamné, c’est-à-dire court, très court, trop court. Aussi bref et jouissif que les premiers Dillinger Escape Plan, en somme. En gros, tu te bouffes une praline et tu fermes ta gueule. Simple, comme un premier coït.
Ma rancœur, elle, s’en porte bien, qu’on se rassure, merci. Toujours vivace et intacte. Aussi indépendante que le groupe qui fournit ses albums aussi gratuitement que j’offre gracieusement de la bière d’abbaye à mes visiteurs. Brut et violent, The Armed rendra vos karaokés du restaurant chinois plus vivants et tellement moins soporifiques et gênants. J’approuve.
Jéré Mignon
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