The Armed – Ultrapop
Sargent House
2021
Jéré Mignon
The Armed – Ultrapop
Un jour, comme tant d’autres, j’ai ouvert mon ordinateur. Je l’ai forcément allumé. Et comme tout le monde, j’ai attendu. Skype, Spotify, Nordvpn se sont ouverts, l’un après l’autre. C’est long. Pas grave, je me fais un café et je me fume une clope en regardant la pluie par la fenêtre. Mot de passe écrit, écran d’accueil etc… Etc… On ne ne cherche pas à s’éterniser. Allez hop ! J’ouvre ma page internet. Youtube, Spotify, Bandcamp et page de recherche. Tant de possibilités et tellement peu de choix au final… Tristesse… Et puis, va savoir pourquoi, entre plusieurs mails, une vidéo Youtube se met en route, ma page Bandcamp, va savoir pourquoi, met lecture sur une page dont j’ignore l’artiste. Et puis voilà que mon téléphone vibre et sonne. Peut-être les deux en même temps. Notifications en vrac. Stories Instagram, statut Facebook, Alerte/Notification Le Monde et/ou Franceinfo. Regarde, regarde pas. Quel bordel ! Je m’y perds. Par quoi commencer ?
Allez ! Hop ! Une clope à la fenêtre. Ça me saoule tout ça… Et puis, on finit par y revenir. Le téléphone dans une main, le regard sur l’écran d’ordi et les mains sur le clavier. Je commence par quoi ? Ma sonnerie sonne, ma playlist en lecture automatique, une vidéo, une autre et une autre à intervalle régulier. Entre publicités pour un « nutritionniste », randonnées dans le grand Nord, marque de fringues obscure mais tellement tendance. Au niveau du son, c’est la cacophonie. Et vas-y que ça part dans tous les sens. Ça chante, ça hurle, ça hachure parce que trop d’onglets ouverts. Forcément je m’y perds. Je ferme une fenêtre. Ah ben merde… C’est le son d’une autre qui continue sa lecture. Une bande-annonce d’un film sur Ecran Large, peut-être. Enfin, je pense que c’est ça. Images et images d’images dégueulent devant mes yeux… C’est horrible, je ne sais plus où me mettre. C’est quoi l’histoire ?
Allez ! Hop ! On essaye de remettre un peu d’ordre dans ce foutoir. Et puis, fatalement, d’autres fenêtres s’ouvrent, de nouvelles musiques, de nouvelles images, des sonorités contradictoires, simulations d’événements, simulacres d’aphorismes, maximes, vérités fantômes. Et moi !? Je me situe où dans toute cette merde ?! Ça sature. Non, je sature… Corps trop parfaits, régimes trop parfaits, attitudes trop parfaites, pensée trop parfaite, parfait trop parfait. Tout est trop parfait ! Nausée… Une marque de chaussure remplit mon espace libre de cerveau. Des maquillages ridicules et hideux impriment mes rétines et puis dans tout ça, il y a cette musique. Plus de style, plus de coordination, de cohérence, plus de but et quand on décide de s’arrêter, tout s’évapore, sauf cette impression désagréable que ça reste collé. Au fait, c’est quoi Ultrapop ? Tout ça d’un coup.
Allez ! Hop ! Les membres du groupe ce sont des fantômes, des pantins choisis pour apparaître en photos telles des gravures de modes en mode troll. Qui fait quoi ? On s’en fout ! Regarde juste la photo et met en route la playlist. Certains membres ont transformés leur corps au point à ressembler à des culturistes ersatz. Dans le fond ça le fait oui, oui. Bon, finalement, y a bien une fille dans cette vision bordélique. Parce que The Armed, ça ressemble de plus en plus à une invention sans but, une mascarade à l’objectif rétréci, sans style prédéfini, attitude ou contenance. T’as beau jouer sur une esthétique Pop-Art Andy Warhol/Roy Lichtenstein/Keith Haring renouvelé, c’est pas sûr que tu fasses réfléchir autant les masses devant les écrans. C’est peut-être leur intention… Va savoir…
Sauf que là le fond supplante la forme. Parce que qu’est-ce qu’on retient de Ultrapop ? Des images léchées pleines d’ironies sarcastiques, une production au carré, un premier tiers, j’avoue, attractif entre pop-punk, saillies hardcore bien frénétiques et alternances stylistiques pour se finir sur… Ben pas grand-chose au final (insérer smiley de rigueur) alors que Mark Lanegan est en guest sur le morceau final… J’ai beau avoir écouté l’ensemble plusieurs fois, je retiens plus le fond, certes intéressant sur le questionnement du paraître et de la déformation des identités finalement factices et superflues, mais jamais je reviens sur la forme alors que le précédent effort, Only Love, m’avait comblé dans son enchaînement foutraque qui se terminait tel le décollage d’une fusée de la Nasa. Mais là… Rien, que dalle, nada, dada et pouet-pouet arty.
Juste mouairf et Meh… La vanité a dépassé la fiction et est devenue une réalité… Autant éteindre son écran et percer cette boule de graisse qui semble avoir atteint ses limites. S’attendre à mieux dans ce carnaval burlesque de notre société. Déception de rigueur. Maintenant, excusez-moi mais je dois mettre lecture sur la prochaine vidéo Youtube avant une réunion sur Zoom branchouille sur fond de séance de Yoga végétarien.