Stuart McCallum – Distilled Live
Stuart McCallum
Naim
De prime abord, le nom de Stuart McCallum ne vous évoquera peut-être rien du tout. Pourtant, le musicien britannique, qui s’illustre avec une rare classe dans une sorte d’électro-jazz alternatif teinté de pop atmosphérique, n’est pas né de la dernière pluie. Depuis l’année 2004, il est le guitariste du désormais célèbre et respecté The Cinematic Orchestra, dont il a intégré le line-up (et la merveilleuse formule) à l’invitation de son leader, Jason Swinscoe. On découvrira sa patte sonore et mélodique très caractéristiques au sein du combo à partir de l’album « Ma Fleur » paru en 2007, certainement le disque le plus pop, varié et nuancé de la formation, indétrônable chef de file de l’excellent label Ninja Tunes. En parallèle aux activités liées au groupe de Swinscoe, Stuart McCallum mène une carrière solo discrète mais tout particulièrement digne d’intérêt, en publiant pas moins de 3 albums studio entre 2006 et 2011, « Echo Direct », « Stuart McCallum », et enfin « Distilled », son œuvre la plus aboutie à ce jour, et la seule qui aura connue un (relatif) petit coup de pouce promo en France. Avec ce dernier, les fans de The Cinematic Orchestra sont aux anges, tant la filiation stylistique au fameux groupe londonien est indéniable. On y retrouve en effet de nombreux ingrédients esthétiques, à commencer par ces lignes rythmiques de contrebasse envoûtantes, ces nappes orchestrales amples et planantes, à base de cordes et autres multiples sonorités samplées. Un ensemble on ne peut plus « cinématique » donc, et une collection de fabuleux paysages sonores au milieu desquels paradent les mélodies aériennes et éthérées de McCallum, générées grâce à sa panoplie de guitares électriques, acoustiques, et pédales d’effets en tous genres.
« Distilled Live » est le témoignage de la tournée européenne qui suivra la parution de ce bel écrin, avec sur scène la bagatelle de 18 musiciens, dont un ensemble de cordes (violons et violoncelles) à part entière. La set-list reprend dans un ordre différent la quasi-intégralité des titres de l’album studio, à l’exception de « Fokey Dokey » et « Part 3 », qui laissent ici leur place à deux petits bonus jazzy plus anecdotiques que transcendants, et, surtout, aux 7 gracieuses minutes d’une toute nouvelle composition baptisée « What Is Beauty ? ». Ce superbe morceau introductif, groovy et hypnotique à souhait, s’ouvre lentement sur des accords de cordes répétitifs façon « Man With A Movie Camera » et se voit ponctué de quelques paroles du philosophe indien Krisnamurti, grosse source d’inspiration pour McCallum. Le titre idéal pour pénétrer à la fois dans l’univers du guitariste et s’immerger sans délai dans l’ambiance magique du concert (trop court, mais intense), qui vous tiendra en haleine jusqu’aux ultimes secondes de l’éponyme « Distilled ».
Cette composition énergique voit des boucles de synthèses électroniques et autres percussions volubiles (excellent Chris Manis !) tisser des motifs rythmiques effrénés sur un tapis orchestral, au sommet duquel chante joyeusement la guitare, jusqu’aux rugissements de saturations post-rock. Et l’ensemble, qui monte crescendo en intensité, manœuvre l’auditeur aux anges vers un état de « transe spirituelle » du plus bel effet. Entre temps, Stuart McCallum nous aura déjà bien ensorcelés avec ses toutes meilleures créations, telles que les désormais classiques « DR Doctor » (rappelant un peu Craig Armstrong) et « Hillcrest » aux arrangements somptueux, ou encore le bouleversant et climatique « Lament For Levenshulme », une promenade hivernale onirique parée d’un thème inoubliable. Et les versions présentées ici transcendent souvent les originales, car davantage orchestrées, moins « froides », et plus « organiques » également dans l’exécution, juste parfaite.
Audacieux mélange de pop sophistiquée instrumentale, d’ambient et de jazz lounge à la sauce downtempo, l’alchimie de styles passionnante du musicien anglais n’a qu’un seul défaut : une trop grosse ressemblance avec celle de son illustre groupe d’origine. En cela, « Distilled » (live ou studio) sonne davantage comme un vibrant prolongement artistique de la riche discographie du Cinematic Orchestra que comme un véritable « side-project » exploratoire. Quoi qu’il en soit, ce live de belle facture est très certainement la meilleure porte d’entrée dans le monde enivrant de Stuart McCallum, et j’espère que cette chronique vous aura déjà encouragé à en franchir le seuil.
Philippe Vallin (9,5/10)