Stream Of Passion – A War Of Our Own
Stream Of Passion
PIAS/Rough Trade
En 2004, au moment d’enregistrer « The Human Equation », Arjen Anthony Lucassen sollicite l’envoi de démos du monde entier afin d’y découvrir éventuellement un talent inconnu. C’est ainsi qu’il fait la connaissance de la belle chanteuse et violoniste mexicaine Marcela Bovio, dont la voix est capable de vous filer de beaux frissons et ne demande, à cette époque, qu’à mûrir. Marcela interprète, sur cet opéra rock, le rôle de la femme du personnage central campé, pour sa part, par James LaBrie : un homme victime d’un grave accident et assailli par ses émotions les plus intimes. Suite au succès de cette première collaboration, Arjen et Marcela décident alors de fonder le groupe de metal symphonique Stream Of Passion, dont le premier opus intitulé « Embrace The Storm » voit le jour en octobre 2005 grâce à l’appui logistique du tentaculaire label allemand Inside Out. Ce disque de fort belle facture est suivi par un live de grande qualité, « Live In The Real World », qui sort à la fois au format CD et DVD en 2006. Tout va donc pour le mieux dans le meilleur des mondes lorsque deux des piliers du combo (Arjen Anthony Lucassen et le pianiste Alejandro Milan, soit les compositeurs principaux) décident brusquement de quitter le navire, le laissant a priori sans capitaine. C’est alors que Marcela Bovio, ne voulant pas voir le bateau sombrer, s’empare du gouvernail et s’entoure de nouveaux membres d’équipage. Ce line-up signe un deal avec le label Napalm Records sur lequel il sort deux offrandes digitales intéressantes : « The Flame Within » en 2009 et surtout « Darker Days » en 2011. Le groupe y célèbre un metal évoquant Evanescence en nettement plus burné et progressif.
Lassée par le music business, la formation prend ensuite une pause de cinq ans avant de décrocher, via une efficace campagne de crowfunding, un deal avec le label Rough Trade pour un nouvel album. Baptisée « A War Of Our Own », cette galette illustrée par une pochette de toute beauté s’avère nettement plus heavy que ses devancières (écoutez donc les riffs de six cordes telluriques de l’excellent morceau d’ouverture « Monster ») et les titres sont globalement plus courts et plus ramassés que par le passé. Ceci étant, les treize pistes structurant cette bien belle œuvre ne se cantonnent jamais dans un matraquage bourrin. Tout au contraire. Elles s’avèrent en effet à la fois solides et romantiques, avec notamment un travail assez phénoménal en termes d’orchestration (putain de nappes de claviers !). Les mélodies sont souvent bénies des cieux (citons les superbes power ballades « A War Of Our Own », « Autophobia » et « Secrets », sur lesquelles les dialogues entre le piano chopinien – pour Chopin, pas pour la chopine hein ? – de Jeffrey Revet et la voix bénie des dieux de la sublime Marcela atteint des sommets absolus d’émotion). Le combo sait aussi envoyer la purée, notamment sur « The Curse », « Burning Star » et « Out Of The Darkness » avec des guitares surgies des forges de Vulcain.
Soucieux d’explorer un maximum d’univers stylistiques, il s’essaie aussi à un post-rock évoquant Paatos sur l’introduction magnifique de « Delirio » : la signoria Bovio y chante en espagnol et y fait pleurer son violon de façon magistrale. On trouve enfin une pièce maîtresse avec « Don’t Let Go » et ses crescendos mélodramatiques qui filent la chair de poule. Ce morceau, pilier du metal symphonique, est un véritable hymne : couplets diaphanes, refrain magique, voix féminine à couper le souffle alliés à des guitares puissantes et incisives nous projettent dans une autre dimension, tout bonnement fantastique. Pas de doute, voilà encore une nouvelle réussite majeure en provenance des Pays Bas, après Within Temptation et Delain.
Avec un « A War Of Our Own » de grande classe, Stream Of Passion s’impose comme l’un des meilleurs gangs de metal symphonique actuel et il a la chance immense de posséder dans ses rangs une frontwoman unique, chanteuse et violoniste d’exception. La barre est décidément placée très haut !
Bertrand Pourcheron (9/10)