Stéphan Forté – Enigma Black Opera
Stéphan Forté
Autoproduction
Stéphan Forté est un guitariste à la virtuosité époustouflante, héritée d’Yngwie Malmsteen et de la vague néo-classique du metal. Il a fait ses premières armes au sein du groupe Adagio, fondé en 2000 et toujours actif. « Enigma Opera Black » est son deuxième album solo et celui-ci le révèle en pleine forme. A l’exception du très bref choeur du morceau-titre, cet « opéra » ne présente en fait pas de voix. En revanche, on dénote effectivement un côté sombre assuré par un mur de guitares sinistres à vous glacer le sang. Par ailleurs, toujours dans la même optique, les solos sont pleurnichards à souhait (l’élégie nostalgique « Zeta Nemesis », la ballade déchirée « Pure », le bien-nommé « Suspended Tears Into Space »). Car en effet, quand on intitule son ouvrage « Enigma Black Opera », on se doit de jouer à fond la carte des ambiances obscures. Et cependant, le personnage venant du milieu metal néo-classique, il ne peut malgré tout s’empêcher de placer des notes étourdissantes plus enjouées tout au long de son opus, ce qui permet d’apporter un peu de lumière dans la pénombre ambiante.
Ce qui étonne à l’écoute de l’album, c’est le tournant meshuggien qu’a pris le registre de notre ami. En effet, cette guitare rythmique effrayante et obsédante, accompagnée d’une batterie se vautrant pour se reprendre à intervalle régulier n’est pas sans rappeler la marque de fabrique du combo de thrash metal technique suédois. Mais là encore, cela fait partie de la démarche ténébreuse de l’album. Par ailleurs, des blast beats effrénés sur le morceau-titre le rapprochent effectivement d’un black metal, style auquel on pourrait penser à la simple lecture du titre de l’album, mais qui est plutôt trompeur car, dans l’ensemble, on navigue dans le sillage de Patrick Rondat. Des influences électro sur « Sector A : Undead » donnent un côté futuriste plutôt réussi à cette galette, là même où s’était aventuré avant Stéphan le groupe suisse Samael.
On aurait aimé cependant que le guitariste développe davantage cet aspect sur les autres morceaux. En outre, les synthés carpenteriens répétitifs (l’ouverture d' »Entering Sigma Scorpii », le pont de « Suspended Tears Into Space », « Pure ») ou alarmés (« Enigma Opera Black », « Sector A: Undead ») ajoutent cette touche d’épouvante que l’on attend d’une oeuvre tournée vers les musiques sombres. Autre élément notable, sur « Praying Lord Bhairava At The Foot Of Mount Kailash » et « Zeta Nemesis », les influences moyen-orientales associées à des rythmiques lourdes nous feraient presque penser à du Nile ou du Melechesch assagi mais tout aussi éprouvant. Là encore, le résultat est convaincant.
Au final, ça joue très bien. Mais ne nous y trompons pas, malgré le titre de l’album et les caractéristiques mentionnées avant, le côté sombre, contre-balancé par des plans de guitare incandescents, n’est pas autant affirmé qu’on pourrait le croire. Cela n’enlève cependant rien à la qualité de l’ensemble. La créativité est en effet au rendez-vous. De plus, le guitariste, en pleine possession de ses moyens, s’est entouré de musiciens talentueux, mention particulière au batteur qui assure du tonnerre de feu dans les rythmiques syncopées et les accélérations. Un album de guitare qui sort un peu des sentiers battus, et qui mérite que l’on s’intéresse à nouveau à ce guitariste hexagonal hors pair.
Lucas Biela (9/10)
http://www.stephanforte.org/
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Excellent et fort sympathique artiste
Merci Bébert. Oui, un de nos « trésors cachés » !