Steph Honde – Covering The Monsters
Musik Records
2017
Steph Honde – Covering The Monsters
Steph Honde a plusieurs vies ! À peine vient-il de sortir le second album de son super-groupe Hollywood Monsters (Capture The Sun, 2016), qu’il nous revient déjà, cette fois avec son premier effort solo : Covering The Monsters. Outre le clin d’œil évident à son propre gang, le titre est explicite : Steph Honde rend ici hommage aux artistes importants des années 80 qui font partie de son héritage musical. Et si la NWOBHM (New Wave Of British Heavy Metal) a la part belle avec des reprises de Saxon, Judas Priest ou Iron Maiden, le spectre est au final assez large, balancé par des allers-retours entre les deux côtés de l’Atlantique.
Oh, bien entendu, Steph pourrait tout aussi bien nous concocter un album de reprises progressives (cela pourrait d’ailleurs venir). Mais non. Sans doute irrité de ne pas jouer assez souvent sur scène, il a jeté sa frustration dans les douze titres (dont un bonus) qui composent cet album. À l’instar d’un Bowie avec son Pin Ups, Honde réussit le tour de force de payer son tribut tout en apposant sa patte ainsi que ses cordes électriques et vocales. Car si l’on connaissait bien le guitariste, le chanteur devient au moins aussi important au fur et à mesure de la carrière du sieur Honde. Et quand vous vous comparez à Bruce Dickinson, Axl Rose ou Kip Winger, par exemple, il faut en avoir une paire bien accrochée (je parle des cordes vocales, évidemment).
Avec l’aide du seul batteur hollandais Tim Zuidberg (Suncrown, Vannstein), Steph Honde a assuré toutes les parties de chant, guitare, basse et claviers ainsi que le mixage et le mastering. C’est peut-être là que se trouve la seule limite de ce bel album. Je trouve que le mastering a tendance à écraser un peu la dynamique. Bien sûr, le son est puissant, mais peut-être un peu trop, ce qui entraîne un léger manque de relief. En revanche, pour l’aspect « right in da face », aucun souci ! Et puisque je parle de ce qui se passe en arrière-boutique (et qui est souvent pour une bonne partie une histoire de gros sous), il convient de remercier le label brésilien Musik Records pour avoir sorti cet album (mais je reparlerai de ce label dans quelque temps). On se demande d’ailleurs ce que foutent leurs homologues hexagonaux. C’est quand même un comble qu’un tel artiste n’ait pas le soutien qu’il mérite dans notre beau pays. Mais comme il n’est décidément pas le seul, on ne s’étendra pas sur cette autre « spécificité culturelle française » ! Parlons plutôt de ce que l’on peut entendre sur ce brûlot incandescent.
Eh bien, on peut dire qu’il y a de belles surprises sur Covering The Monsters ! Outre un « Take Me For A Little While » de Coverdale/Page sur lequel Steph montre la proximité de sa voix avec celle du Serpent Blanc, et quelques titres que l’on peut attendre sur un tel album (« Bring Your Daughter… To The Slaughter » d’Iron Maiden ou « It’s So Easy » des Guns N’ Roses, par exemple, magnifiquement interprétés), il y a des choix très surprenants et délicieux. Personnellement, j’ai tendance à préférer le Steph Honde chanteur plutôt que hurleur (comme sur « Edie (Ciao Baby) » de The Cult ou encore sur le sublime « Saturday Night » de The Misfits dont la version présentée ici n’a pas grand-chose à envier à l’originale ; on notera aussi le clin d’œil puisque l’album des Misfits sur lequel figure ce titre s’appelle Famous Monsters). On perçoit quand même les limites de l’exercice sur le titre bonus : « Headed For A Heartbreak » de Winger. Bon, je suis un fan de Winger et de la voix de Kip, alors forcément… Néanmoins, quand les deux (singing and screaming) se mélangent harmonieusement (« Mother » de Danzig), il n’y a rien à redire. De même, les choix à la limite du punk comme le « Something To Believe In » de The Ramones sont plus que bienvenus, la couleur de la voix apportant une dimension supérieure à ce titre (sans trop risquer de se fourvoyer, on peut imaginer que c’est le travail avec Paul Di’Anno qui tire parfois Steph Honde vers ce côté bien énervé). Et que dire de ce « Not Fakin’ It » de Nazareth, à la tonalité modifiée pour en faire un croisement entre un groupe hardcore et un hymne glam à la T. Rex !
Mais venons-en à mes préférées. Préférées, parce que voilà bien des interprétations que j’aurais tendance même à apprécier au delà des versions originales (là, je vais me faire lyncher par les fans invétérés des groupes cités), mais aussi par leur aspect singulier et l’apport magistral qu’y distille Steph Honde… Commençons par les deux premiers titres de l’album. Tout d’abord, le « Waiting For The Night » de Saxon. Si musicalement il n’y a guère de modifications (mis à part un tempo un peu plus soutenu, ce qui est une excellente idée), c’est surtout la voix qui emporte l’adhésion. Franchement, j’ose croire que si Biff Byford entend ça, il va être admiratif (voire même un peu jaloux…). Et lorsque ça enchaîne avec le « Turbo Lover » de Judas Priest, le traitement est le même : Rob Halford peut aller se rhabiller (vu qu’il a le don pour les tenues à la con, ça lui fera pas de mal, ha ha). Et puis, la surprise totale : « Zero The Hero » de Black Sabbath ! Parlons-en un peu quand même. En 1983 sort l’album Born Again qui voit Ian Gillan éructer derrière le micro. Cet album est la seule parenthèse avec le chanteur de Deep Purple, parenthèse qui suit la grandiose période du combo de Birmingham avec Ronnie James Dio (chant) et Vinny Appice (batterie) qui reviendront plus tard. Grand succès, Born Again est un surprenant enfant bâtard d’un groupe que certains appelleront Deep Sabbath ! Et c’est là l’outrancier pari de Steph Honde : s’attaquer à la fois à Gillan et à Tony Iommi. Et encore une fois, ça fonctionne, et même très bien, sonnant plus Sabbath que du Bloody Sabbath, Steph s’écartant du style propre de Maître Ian pour adhérer à l’esprit du groupe plutôt qu’à sa lettre.
Si je me suis attardé sur les performances vocales, il ne faudrait pas pour autant oublier les guitares. Celles-ci sont étincelantes du début à la fin, avec des rythmiques et des riffs solides agrémentés de soli ravageurs (inspirés et pas copiés).
Bref, Steph Honde n’en finit plus de nous surprendre et nous ne sommes certainement pas au bout des révélations. En tout cas, avec ce Covering The Monsters, il devrait aisément ravir les amateurs d’un heavy metal à la sauce eighties que d’aucuns auraient tendance à sous-estimer. Pour les autres, un minimum d’intérêt et de soutien pour un artiste français qui joue dans la cour des grands, des monstres, me paraît indispensable !
Henri Vaugrand