Special Deliverance – The Mystic Dance
Autoproduction
2016
Dès les premiers accords, chauds et posés, c’est un feu de bois qui inonde le champ visuel. Rougeurs des braises, flamboyances de flammèches ocres se précipitant vers le ciel nocturne. Arno Boytel, géniteur du projet, tout en s’octroyant la quasi-totalité des instruments, regarde le ciel, étoiles, constellations, laissant couler sa voix aux accents aquatiques sur un décor de western à la Jodorowsky. Le vent expire, brindilles et buissons s’ébrouent au pas de la danse qu’accordent ces flammes. Les vapeurs d’une époque révolue mais revenant parmi les oreilles des plus jeunes par je ne sais quelle magie nécromancienne.. C’est autant un souhait qu’une nécessité de la part de Boytel, autant dans la construction de ces titres à la durée ramassée que dans la production brute et sans lissage, que de laisser transparaître une urgence d’écrire sur bande ce qui ne serait peut-être plus possible.
Aussi The Mystic Dance se révèle comme incarnant un état d’esprit à un point donné, certes aussi court que les sorties prolifiques approvisionnant les bacs des années 60/70 mais se permettant le droit d’aller à l’essentiel sans enjolivures ou accessoires. Et Special Deliverance de ne pas s’embarrasser des détails qui durent ou des affrètements inutiles. Psychédélique en diable, cet album semble par instant quasi-improvisé, Arno semblant se guider par sa seule émotion de cow-boy perdu au milieu des cactus protéiformes de ce voyage introspectif. Les doigts prennent leurs marques d’eux-mêmes sur le manche alors que tablas, flûtes, harmonium et tintements enrobent le tout avec prévenance et sensualité. Et l’ambiance, bluesy as fuck, de marier mysticisme musical et contemplation chimérique dans un dévouement aussi simple et ostentatoire que primitif. C’est une certaine ode à la vie. Aux rêves d’antan, aux illustrations ornant notre imaginaire, aux mouvements de corps faisant des tours incessants, aux aléas d’un feu vivace qui finira par s’éteindre. C’est le journal d’un road-movie, chaque titre se positionnant comme une étape, une trace dans à un périple agrémenté de rencontres, échanges, passations et hallucinations. C’est une histoire, un script qui ne demande qu’à trouver des avatars pour exister. Ce n’est peut-être pas pour rien qu’Arno officie dorénavant en tant que scénariste de BD dans un esprit très Métal Hurlant où polar, western et science-fiction se mêlent. L’Homme assis face à la Nature ? Werner Herzog ? Maintenant que j’y pense… Humpf…
Jeu d’ombres et de lumières dans un paysage en ruine de Pompéi, The Mystic Dance est un dialogue un peu opaque posé sur le ressenti, légèrement noyé sur une toile brute, lo-fi, sincère évitant précieusement tout cynisme. Véritable surprise, petit cadeau atone tombé à point nommé, monsieur Arno, je tire mon chapeau de mon crâne dégarni en acceptant l’invitation.
Jéré Mignon
Ps : Cet album est dédié à Philippe Vallin. Que les effluves psychédéliques de ce blues-rock t’accompagnent… T’aurais kiffé mon salaud !