Space Megalithe – Recueil
Space Megalithe
Autoproduction
Histoire de nous faire patienter avant la sortie prochaine de leur deuxième CD baptisé « Abstract Dimension », les synthétistes Jean-Claude Gil et Christophe Barbier ont eu la bonne idée de compiler quelques-unes de leurs pièces inédites et d’en produire un album à part entière, un peu à la manière du premier « The Lost Pieces » de Steve Roach. Et à l’instar de cette très fréquentable compilation du grand maître Californien de l’ambient music, on y trouve de bien jolies perles qu’il aurait été cruel de voir s’égarer sur la toile, ou pire, de sombrer dans l’oubli d’un vieux disque dur d’archivage. Ce sont donc sept compositions instrumentales de fort belle facture qui jalonnent cet opus « surprise » judicieusement intitulé « Recueil », et disponible au seul format digital. On peut en effet accorder un double sens à ce titre de circonstance. Primo, à l’image d’un livre de poésie, il s’agit bien là d’un recueil ou les textes ont été remplacés par des pièces musicales choisies, et qui n’ont pas forcément un lien de cohérence entre elles (quoi que). Secundo, les créations cinétiques et éthérées de Space Megalithe invitent bel et bien à la contemplation, à une écoute introspective, et donc inévitablement à une forme de recueillement.
La plupart des morceaux présentés ici n’ont tout simplement pas pu trouver leur place dans « Psyché Energy« , premier opus du duo, faute d’espace disponible sur le support CD. En effet, la durée moyenne de chacune de ces escapades cosmiques avoisine les 10 minutes environ, ceci expliquant cela. Elles n’ont ainsi pas toutes été évincées pour des raisons qualitatives (compositions plus « faibles » ou non abouties), mais bien pour une question de limitation de durée dans la majorité, voire la totalité des cas. A l’écoute de l’album, on comprendra d’autant plus la frustration de nos deux compères, ici plus que jamais esthètes de la musique électronique planante, et qui considèrent « Recueil » comme le « prequel » de l’inaugural « Psyché Energy ».
Le voyage onirique commence avec « A megalith In Space », l’une des deux pièces composées a posteriori avec l’étonnant (et plutôt dissonant) « Android Brain Labyrinth », qui tranche de manière inattendue et ma fois bien plaisante avec le style habituel du duo. « A megalith In Space » est quant à lui un petit chef d’œuvre de soundscape lumineux (façon Max Corbacho et Jeff Pearce), ou nappes délayées et douces séquences hypnotiques se conjuguent sur un drone sonore qui évoque un peu l’introduction du « Blade Runner Blues » de Vangelis, mais joué dans une tonalité plus haute.
« A World Without The Man » poursuit dans cette même veine cosmique, bien qu’il semble hésiter entre le style ouvertement « space-music » et le pur trip ambient immersif. Le titre est en effet introduit par une puissante séquence rythmique qui disparait au bout de deux trop courtes minutes, alors qu’elle promettait une envolée digne d’une grande épopée Schulzienne. Le seul moment « bancal » (bien que magnifique par moment) de l’album avec « Tumulus », qui lui aussi persiste un peu dans le genre « deux morceaux en un », et c’est dommage. Pour la peine, Space Megalithe ne devrait sortir que des doubles ou des triples albums pour faire durer le plaisir !
« Hubble » est un titre qui porte bien son nom, et qui annonce d’emblée l’éternelle solitude et l’immensité du vide spatial. Avec ses sonorités sombres (parfois proches du monolithique « A Magnificient Void » de Steve Roach) et sa rythmique syncopée obsédante qui va crescendo, on se croirait presque dans la bande originale imaginaire d’un bon blockbuster de science-fiction. Plus « terrestre » dans son climat, « Glacier » poursuit dans une veine que n’aurait pas reniée un Thomas Köner (artiste plasticien des sons fasciné par les paysages arctiques). On pense également au génial « Encounter » de Michael Stearns, et plus particulièrement à l’atmophère qui se dégage de « On The Way: Space Caravan », sûrement le passage le plus léger et apaisé du disque définitivement culte de notre incontournable compositeur américain.
Enfin, le périple s’achève avec « La Porte Des Etoiles », ou la version de travail de « Solitary Encounter » (décidément!), qui n’est autre que la grandiose pièce d’ouverture de « Psyché Energy ». On découvre ici que ce titre aura été largement remodelé par Jean-Claude Gil et Christophe Barbier, et pour un bien meilleur résultat final (ou en tout cas fort différent !). L’original est plus mélodique, avec un solo de clavier joué dans l’esprit Vangelis, mais sans la grâce inégalable du génie Grec. Ceci étant dit, ce n’est pas le domaine dans lequel Space Megalithe excelle, et le duo a bien d’autres cordes à son arc ! Exit ici les nappes énormes de son phénoménal successeur, ainsi que l’ambiance orageuse qui en magnifie la saisissante ouverture. Il n’en demeure pas moins un morceau alternatif intéressant à découvrir et à écouter, comme tous les autres poèmes électroniques de ce joli « Recueil ».
En attendant un « Abstract Dimension » qu’on imagine bien plus abouti (Space Megalithe y travaille d’arrache-pied !), cet petit album inattendu et moins anecdotique qu’il n’en a l’air reste le meilleur moyen de planer très loin jusqu’à la fin de l’été. Aussi, il démontre une fois de plus tout le potentiel de nos duettistes français à façonner de splendides architectures sonores invitant au voyage intérieur. Et ma conclusion sera sans appel : dans le genre ambient/Space music, on ne fait pas mieux chez nous en ce moment, et Space Megalithe s’impose comme LA référence à suivre.
Philippe Vallin
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