Sordide – Les Idées Blanches
Les Acteurs De L'Ombre
2021
Jéré Mignon
Sordide – Les Idées Blanches
Les Idées Blanches se découvre dans le mouvement, le tumulte. Loin d’une écoute sur un canapé, un verre à la main et la clope dans l’autre, mais dans l’action, la vague. C’est dans une marche accélérée dans un couloir de métro, dans le sens contraire d’une manif dont on ne comprend pas vraiment les enjeux ou la simple agression verbale et physique, au milieu d’une rue, que le nouvel album de Sordide prend tout son sens. Sordide déjà… Voilà bien un terme adéquat aux relations quotidiennes, aux tourments d’un job éreintant, à la vision d’une pseudo-vie, pseudo-confortable, pseudo-sociable qui confond liberté et liberticide, c’est la vision (comme j’ai pu le lire dans une chronique mentionnant l’album) de l’utilisation du drapeau français au sein de certains rassemblements sans qu’on en comprenne le sens… Symbole drapé d’oripeaux tellement facile à utiliser, à détourner, dans un simulacre de liberté dans un monde tellement rempli d’images sans recul, sans analyse et où le sens fait défaut laissant place à la consommation rapide et putride d’idéologies belliqueuses, voire nauséabondes… Franchement, j’ai suffisamment souffert sur ces (presque) deux dernières années pour comprendre le sens du titre d’ouverture, « Je N’Ai Nul Pays ».
Je n’ai nul pays
Je n’ai nulle patrie
Mais j’embrasse l’espoir
D’un noir pouvoir
Le chauvinisme n’est qu’un crachat désespéré mêlé d’un opportunisme aussi facile qu’il n’a qu’une valeur pécuniaire que faussement contestataire mais dont le commun se plaît à y mettre des œillères. Sordide, dans son black metal crasseux, revendicateur (La France A Peur et aux effluves punk dégoulinantes (Hier Déjà Mort) renvoie une bile désabusée à la gueule des gens qui cherchent une accroche spongieuse dans un monde de plus en plus incompréhensible. Les Idées Blanches me fait l’effet d’un soupir de désarroi, d’agacement et de colère. La musique est toujours aussi virulente, bien que plus pesante et moins encline à la pulvérisation. Elle se permet ce temps de bien cir-con-ve-nir, comme on épelle un mot. C’est que la sentence d’ordre était le moins de fulgurance rythmique possible. Aussi Les Idées Blanches verse moins dans le blast-beat à outrance (mais utilisé à bon escient comme sur le final de « L’Atrabilaire ») qu’il se permet des envolées clairement punk, mais maîtrisées, pouvant rapprocher les français de la démarche des norvégiens de Darkthrone depuis plus de dix ans. Ce qui accroche, ce sont les paroles (malgré un bémol concernant le mix des voix…), le déroulement arbitraire et sans concessions, toujours un œil sur les fausses révolutions égoïstes et l’autre dans la consommation d’une pensée, voire d’une éthique corrompue devenant qu’une coulure abstraite et colorée dont on ne peut s’empêcher d’observer d’un regard avide, fasciné, mais désabusé.
Dans tes ancêtres blancs comme neige
Et rejoins, bêlant, le cortège
Dans ta tanière, tu te retranches
Pour ruminer tes idées blanches
Aussi je me souviendrais des Idées Blanches dans cet instant où je me suis fait traité de « collabo » par des connards et autres connasses ne comprenant même pas un centième les symboles qu’ils brandissaient en soi-disant porte-étendard d’une liberté bafouée. Sordide me rappelle bien une chose. Oui , le monde est sordide. Oui, la société est putride et oui, je n’arrive plus à me positionner dans ce fatras idéologique fini à la pisse, faussement complexe, péremptoire, avide, concupiscent et opportuniste. Sordide me rappelle ça au travers des Idées Blanches. À l’écart de tout (de la scène black metal « soit disant » apolitique, des conventions et du style), le groupe Rouennais creuse son sillon devenant de plus en plus pesant dans le paysage métallique francophone, faisant tache comme une goutte d’acrylique tombant par accident sur une feuille mais gardant une identité sur une pousse curieuse. Dissonances, parfois lentes ou ponctuelles, harangues diverses, calcul des instants soniques belliqueux et toujours cette marche à contre-courant. Sordide parle à ceux qui refusent les canaux extrémistes, (je dis bien toutes) les prises de positions soudaines et qui marche dans un courant contraire, bien qu’on ne sache plus reconnaître le sens du courant…
Quoiqu’il en soit, Les Idées Blanches est ce que la scène black hexagonale, bien prolifique quand on s’y plonge, peut proposer de mieux. Il y a un air de fraîcheur acre, une envie d’en découdre qui ne laisse pas insensible. Alors, oui, je prends ma bière d’une main et ma clope de l’autre avec cette envie de crier merde à la face d’une société, d’une humanité individualiste qui me file la gerbe… Et les quelques minutes condensées que procure cet album me font plus d’effet qu’un pseudo défilé minable mais une véritable envie de me révolter. Parole de « collabo »…
Les aphorismes éructés
Toujours affirment
L’aveu infirme : ne savoir que rester
…
…
…
Continuer
À hurler
À sombrer
À foncer
Vers jamais