Sophya Baccini’s Aradia – Big Red Dragon
Sophya Baccini’s Aradia
Autoproduction
Brillante diplômée de l’université de chant de Rome (où elle a appris à maîtriser à la fois l’opéra en italien, en napolitain, en français et en anglais), Sophya Baccini est essentiellement connue des fans de progressif purs et durs pour ses performances vocales hors du commun au sein du groupe Presence (auteur de sept albums entre 1990 et 2006, depuis « The Shadowing » jusqu’à « Evil Rose »). Après un premier opus en solitaire plutôt intéressant publié en 2009 (le désormais introuvable « Aradia ») et diverses collaborations avec d’autres combos, la belle italienne nous sort aujourd’hui, avec « Big Red Dragon », un second CD solo de fort belle facture. Difficile de distinguer une composition plutôt qu’une autre sur un total de treize morceaux. L’ensemble de l’œuvre fait en effet preuve d’homogénéité et témoigne d’une grande sensibilité et d’une inspiration mélodique quasiment sans faille. Si l’orientation classique ou plutôt classisante est proéminente aussi bien dans le travail de composition que dans l’instrumentation (piano altier, synthétiseurs grandiloquents, six cordes lyrique à souhait, etc…), la musique de la belle Sophya n’est pas pour autant prisonnière de ce moule et elle s’ouvre à une synthèse bienvenue avec des formes stylistiques variées (pop, soft metal, rock symphonique, etc…). En outre, elle envoie gaillardement à la poubelle les carcans formels : les vastes épopées (les superbes « Cerberus » et « Beatrice ») y côtoient ainsi des structures plus condensées (le très beau morceau d’ouverture « William », aux parties de guitare gilmouriennes de toute beauté, ou l’inquiétant « Satan »). Le souci permanent de libération, l’absence de complexes et la forte personnalité de la donzelle forcent donc le respect et on pense à de la musique de chambre mâtinée d’un permanent souci d’éclectisme. Ce disque de belle envergure (qu’on qualifiera volontiers d’opéra rock) et cette musicienne de grande classe (dont la voix protéiforme, renforcée ici et là par des vocaux masculins furieusement rauque’n’roll, déroutera sans doute certains coincés du cul) insufflent au final au rock progressif un état d’esprit qui se fait rare par les temps qui courent. Salutaire et fort intéressant.
Bertrand Pourcheron (7,5/10)