Solar Fields – Random Friday
Solar Fields
Ultimae Records
Magnus Bigersson, quelque-part, est quelqu’un de profondément énervant. Ce côté à transformer tout ce qu’il touche en or, enfin, ce qu’il tripote, c’est surtout les potars de ses nombreuses machines électroniques. Un véritable orfèvre du son, travaillant le plein comme le vide, la mélodie comme le drone, jouant également bon nombre d’instruments comme le sitar et j’en passe. Le salaud, vraiment énervant ! (Car c’est un musicien aussi qui écrit ces lignes!). De plus, le suédois est tout à fait capable de pondre un album par an, apte à ravir les amateurs de musiques électroniques planantes, sophistiquées et affables. Là où certains n’osent pas mettre une pulsation, lui le fait avec une classe écœurante, à s’arracher les cheveux. Encore un peu et on pourrait le prendre pour le nouveau Robert Rich, rien que ça. Ses mélodies rentrent dans l’esprit humain et font corps, impossible de s’en détacher. Ceux, ayant tâté du jeu vidéo « Mirror’s Edge » dont Solar Fields a signé la bande sonore, savent de quoi je parle : on peut même s’arrêter de jouer, juste pour écouter.
Forcément, quand une sortie est de mise, les oreilles s’échauffent et le casque Sennheiser ronronne de plaisir. Cependant, avec « Random Friday », le bien-être n’était pas au rendez-vous. Pour être plus clair, l’album m’a profondément fait chier. Et voilà, je casse le mythe après une description limite obséquieuse. Si les drones et autres nappes sont toujours impeccables, que les basses surgissent de manière étonnante, très dans la veine Robert Rich d’ailleurs, l’ensemble ne décolle jamais vraiment. La faute, peut-être, à ces pulsations technoïdes psy-trance grasses et inadéquates, cassant plus le climat et l’emphase qu’elles sont censés accompagner. Du long de la durée astronomique de l’album (80 minutes bien tapées), rien ne ressortira. Des grimaces à la limite, et c’est triste. À chaque fois que débutait un titre, au bout de plusieurs minutes j’avançais, je zappais, je sautais, en vain. Pas un morceau n’a sauvé l’album, froid et d’une émotion factice.
Encore un peu et je parlerais de naufrage. Pompeux et pas attractif pour un centime, « Random Friday » représente pour moi un faux pas dans la carrière de Bigersson. Lui qui arrive avec des médiums froids à rendre vivant ce qui en ressort, et donne l’impression, organique, de se poser dans un jardin japonais, l’artiste loupe manifestement le coche, la musique électronique ne supportant pas la demi-mesure. J’espère néanmoins que Solar Fields pourra renouer avec cette fibre, plus qu’un style, qui permettra d’ouvrir les portes d’un imaginaire environnemental au lieu de cet amer album, car putain, ce mec en est capable !
Jérémy Urbain (4/10)