Simon Denizart – Piece Of Mind
Justin Time Records
2024
Lucas Biela
Simon Denizart – Piece Of Mind
Simon Denizart, je vous en avais déjà parlé à l’occasion de la sortie de son quatrième album, Nomad, réalisé en collaboration avec Elli Miller Maboungou. À l’époque, ce sont les échanges extérieurs qui en constituaient le fil conducteur. Trois ans plus tard, pour ausculter cette fois-ci les échanges intérieurs, l’équipe s’est étoffée. En effet, autour de nos deux acolytes, on retrouve maintenant un bassiste, Jonathan Arseneau, mais également un trio de cordes (Geneviève Clermont au violon, Marie-Lise Ouellet à l’alto, et Stéphanie Collerette au violoncelle). Par ailleurs, Elli n’est plus seul aux percussions puisque Michel Medrano Brindis l’a rejoint à la batterie. Est aussi de la partie la chanteuse / beatboxeuse / pianiste allemande KID BE KID (qui m’avait déjà épaté quand je l’avais découverte par le biais du label Springstoff). Sur la pochette de Piece Of Mind, le noir et blanc de Nomad a été troqué contre des couleurs flamboyantes, tandis que seul le nom de Simon Denizart figure, comme pour mieux appuyer la thématique de l’expérience intérieure.
Alors oui, de couleurs, il en est question tout au long d’un album où l’on a plaisir à retrouver les notes lumineuses et optimistes de notre Montréalais. Ainsi, autour des envolées espiègles du piano, les percussions satinées et chamarrées se mêlent à l’allant de la batterie pour offrir un spectacle gorgé de sérénité, là où les cordes apportent une touche dramatique. « Piece Of Mind » ou « In My Head » illustrent bien comment rythmique et cordes s’accordent pour faire ressortir aussi bien les teintes que la gravité d’un tableau recelant de nombreux détails. Sur les autres pièces qui font la part belle aux instruments à archet, comme « Speedball » et « Love On The Trail », on notera en outre de belles boucles de piano, amusées dans le premier cas, interloquées dans le second. Et dans un contraste tout aussi saisissant que captivant, le lyrisme romanesque des cordes sera même bousculé par la fantaisie quand celles-ci se retrouvent non plus frottées, mais pincées. Autre contraste frappant, la guitare un peu désemparée de « Speedball » viendra couper court à l’enthousiasme du piano, sans pour autant affecter le nôtre.
Quand le voyage se veut cependant plus introspectif comme sur « 35 Years of Mistakes » (après tout, il s’agit de sonder son propre intérieur), Elli et Michel se taisent pour laisser l’équipe de Geneviève, Marie-Lise et Stéphanie soutenir Simon dans ses lamentations. Et quand ce sont violon, violoncelle et alto qui à leur tour gardent le silence, le piano et les percussions en profitent pour nous en mettre plein la vue, à la manière d’un paon faisant la roue. Ainsi, là où « Music Box » nous donnerait presque le tournis avec ses images de sac et de ressac et ses rythmes à foison, « 9-4 » nous plongerait dans le tourbillon des mesures les plus enlevées du Dave Weckl Band. La surprise vient néanmoins du duo avec la très singulière KID BE KID. Sur le morceau où elle est invitée, « Blackout », entre voix r’n’b revendicatrice, chant pop passionné, envolées rauques, harmonies ingénues et beatbox rythmés, la belle donne en moins de quatre minutes une belle introduction à son univers si unique. On notera néanmoins que la version gravée sur CD comporte moins de parties beatboxées que la version filmée, probablement pour garder une cohérence avec les autres titres de l’album.
Ainsi, Simon Denizart poursuit son exploration des échanges en étendant sa palette de couleurs. Mettant sa technique au service de l’émotion, mais sans cependant se priver de quelques touches de virtuosité, il parvient à nouveau à nous plonger dans un univers riche en… échanges !