Saint-Pétersbourg – The Myst Box (chronique + interview)
Saint-Pétersbourg
Organic Recording
Un petit vent de révolution flotte sur la scène rock française ! Voici que déboule enfin « The Myst Box », premier EP de Saint-Pétersbourg, un trio de jeunes musiciens basé à Toulouse, et s’illustrant dans un style que nos talentueux lascars (âgés de 19 à 20 ans, ça ne s’invente pas !) définissent eux-mêmes comme un joyeux cocktail « stoner-blues-funk ». Et force est de constater que Nicolas Woilet (chant/guitare), Gatien Tetevuide (basse) et Louis Huard (batterie) ont pris soin de bien roder leur technique et leur recette maison en multipliant les petites scènes locales, tant ce 8 titres en impose par sa maîtrise et son indéniable maturité. Après la très énergique chanson d’ouverture « Myst Box » qui annonce la couleur en combinant, en moins de 3 minutes, tous les ingrédients forgeant le « son » du gang toulousain, on enchaîne sur, selon nous, le tube de cet EP. En effet, l’alambiqué « Sacrifice » vous explose littéralement à la face, méritant ainsi son titre de « petite bombe », ne serait-ce que pour l’intro de basse démente (qui rappelle le doigté d’un certain M. Matt Freeman) et le refrain entêtant.
Évidemment, on ressent quelque peu les nombreuses influences du groupe, ce qui n’empêche pas Saint-Pétersbourg d’avoir sa propre patte bien définie, plutôt « américaine » dans l’âme (mais pas que), à la fois moderne et teintée d’effluves 70’s. Les changements de rythme sont agréables, souvent surprenants et très bien amenés. S’exprimant dans un anglais impeccable (à l’exception de deux titres aux lyrics français), le chanteur est toujours juste et sait tenir la note, même dans les passages les plus énervés. Aussi, avec son timbre rocailleux à mi-chemin entre Marilyn Manson et Bertrand Cantat, il est amusant de constater que Nicolas n’a pas du tout la voix de son âge. On imaginerait plutôt ici un vocaliste quadra un peu destroy, nourri de longue date aux magnums de whisky et aux cartouches de clopes sans filtre !
Les solos de guitare à la pédale whawha sont tous simplement stupéfiants, jamais redondants et saupoudrés juste ce qu’il faut tout au long de l’opus, où Nicolas dévoile un jeu de guitare si maîtrisé qu’on le trouvera digne d’un Tom Morello au top de son inspiration. Gatien y déploie quant à lui un groove de folie, avec un son de basse bien rond (pensez à « Under Pressure » de Queen), en parfaite symbiose avec la frappe incisive de Louis, batteur carré et technique aussi pêchu qu’Ivan Drago.
Parmi les perles de ce premier EP, on retiendra également le bluesy « Old Man », avec son tempo plus calme évoquant l’ambiance de ces bars routiers enfumés où des mecs, des vrais, des durs, jouent aux billards en s’imbibant de bière, tandis que leurs radasses de copines aux faux cils (et au marteau) font les potiches au comptoir. « The Dancer » tend quant à lui vers du Beastie Boys de la belle époque, et l’album se conclut intelligemment par « The Fall », composition plus en finesse qui sonne parfois telle une complainte atmosphérique non dénuée de force, avec un final aussi habité que renversant.
Pour conclure, chaque chanson de « The Myst Box » révèle sa propre identité, mais le groove et l’énergie sont incontestablement le fil rouge (évidemment) de ce mini album plus que fréquentable. Un rendu tout sauf « léninifiant » en somme !
Pascal Sain & Philippe Vallin (8/10)
Pour écouter et télécharger « The Myst Box »:
http://saint-petersbourg.bandcamp.com/
Entretien avec Saint-Pétersbourg (avril 2015)
C&O : Salut vous trois ! Pouvez-vous chacun vous présenter en quelques mots, qui êtes-vous, d’où venez-vous, et aussi nous dire un peu quel est votre rôle au sein du groupe ?
G : Salut Philippe ! Gatien, 20 ans, né à Paris et étudiant à Toulouse depuis 3 ans, bassiste marroufleur à mes heures perdues.
L : Louis, 20 ans, né à Paris, matricule 6212, étudiant en l’Etre. Batteur avec des baguettes.
N : Nicolas, 20 ans, né à Paris, sur Toulouse depuis 15 ans, amateur de confiture et guitariste/chanteur de Saint-Pétersbourg.
C&O : Au fait, c’est qui le vrai boss dans l’affaire ?
N : Moi.
G : Moi !
L : La Trinité.
C&O : Comment vous êtes-vous rencontrés ? Et puis, la grande question existentielle que le monde entier se pose : pourquoi le blaze « Saint-Pétersbourg » ?
G : Avec Nico, on s’est rencontré en jammant dans la rue, nous n’avons pas tout de suite eu de projet construit, on jouait juste ensemble. C’est autour d’un verre de Vieux pape qu’est née l’idée d’intégrer Louis à l’aventure. On avait une pote en commun, et d’une manière ou d’une autre, on s’est trouvé chez elle à parler de Gainsbourg.
L : Affirmatif. Et quoi d’autre ? No Comment.
N : Pour ce qui est du nom de Saint-Pétersbourg, c’est Gatien qui a eu l’idée et quand je l’ai vu sur l’affiche du premier concert qu’on a fait, je me suis dit que ça le faisait !
G : Sinon la version officielle c’est parce que, dans nos imaginaires, Saint-Pétersbourg se pose comme une Babylone moderne, à la fois mystique et sauvage.
C&O : Votre musique est un mélange assez détonnant de styles bien digérés. Revendiquez-vous une étiquette particulière pour votre formule en trio ? C’est quoi, au final, le « son » Saint-Pétersbourg ?
L : A supposer qu’il ait ce qu’on peut appeler une recette, c’est surtout dans la construction un peu loufoque des chansons, avec en général plusieurs ambiances qui se désarticulent et s’entre-croisent, bref, qui cohabitent (à Dudule). L’astuce c’est que les chansons se font d’elles-mêmes, c’est un peu les séquelles de l’habitude d’improviser.
G : Ensuite, je ne crois pas vraiment que ce soit important de revendiquer une étiquette au final. En fait, il suffit d’écouter, même si on a aussi un énorme côté punk. C’est un peu notre côté obscur, on a du mal à le réprimer parfois, même si on essaie d’élaborer et de construire là-dessus.
N : RAS
C&O : Quels sont vos références musicales respectives ? Aussi, vous écoutez quoi de beau en ce moment ?
G : Je crois qu’on tombe tous d’accord sur les gros classiques comme RATM, Nirvana, les Red Hot, Radiohead, Noir Désir, Primus, Bashung. Après, quelque part, tout ce que j’écoute m’influence d’une manière ou d’une autre, et ça serait long de tout mettre, mais par exemple mes derniers CD achetés c’est « Mezmerize » de System Of A Down et le premier album d’Infectious Groove.
N : Pour ce qui est de mon style de jeu de guitare, ce sont des guitaristes comme John Frusciante, John Butler et Jimi Hendrix qui m’ont influencé et qui m’influencent toujours. Après, en ce moment, j’écoute plutôt Primus, Queen of the stone age et Errors.
L : Moi Buddy Rich.
C&O : Où, quand, où et comment composez-vous ? Est-ce la musique qui précède le texte ou bien le contraire ?
L : On compose dans un local rudimentaire qu’on loue deux fois par semaine. En général on procède par phases de répétition et de création.
N : C’est plutôt la musique qui précède les textes, mais la tendance commence à s’inverser avec les textes en français (qui sont de Louis).
G : Sinon, chacun d’occupe de sa partie et l’adapte en fonction des autres, c’est assez simple et naturel au final.
C&O : Entre l’anglais et le français, votre cœur balance. Qui remportera le match dans les prochaines galettes ?
G : Ahah, eh beh je dirais qu’il n’y a pas vraiment de match, mais plus une évolution de l’anglais vers le français, notre ambition étant de les associer de mieux en mieux.
N : L’anglais est là pour groover tandis que le français est là pour parler.
C&O : Votre premier EP est une sacrée surprise, il met en évidence une belle brochette de jeunes talents, et un solide potentiel pour la suite des événements (mais bon, ne vous reposez pas sur vos lauriers hein ?). Comment entrevoyez-vous l’avenir du groupe, et quels sont vos projets à venir ?
G : Oh, dis-donc, merci !
L : A l’avenir, laisse venir.
N : Jouer et composer.
G : Après l’enregistrement, on s’est lancé à fond dans une période de composition, on a quelques 2 ou 3 chansons sur le feux et des concerts prévus dans des salles de plus en plus intéressantes.
C&O : A quoi ressemble un concert de Saint-Pétersbourg ? Tournez-vous beaucoup, et où peut-on venir vous voir à l’oeuvre sur scène ?
N : Notre dernière date était… brutale, c’était dans un bar du centre, ça pogotait de partout, il y avait une bonne énergie.
L : Ça dépend des soirs. En ce qui me concerne, j’aime bien quand il y a des conditions un peu souterraines.
G : Globalement ces derniers temps c’était couillu. On a joué et on a des concerts prévus dans la plupart des salles du centre-ville (ndr : de Toulouse). Au début on jouait beaucoup plus dans des bars, c’était bonnard, on va aussi à pas mal dans des jams-sessions.
L : On alterne entre les périodes de composition et les périodes de concerts pour s’adonner pleinement aux deux. Par exemple, nous n’avons pas joué pendant le mois de février avec l’enregistrement, et là, on a pleins de dates qui s’annoncent d’un coup.
C&O : Pensez-vous rester à tout jamais en configuration trio, où est-il possible un jour de voir débouler un nouveau musicien au casting de Saint-Pétersbourg ?
G : On ne s’est jamais vraiment posé la question, je ne trouve pas ça contraignant d’être en trio.
L : On contraire, le trio peut être considéré comme un atout, dans la mesure où celui-ci incite à explorer les potentialités des instruments et de leurs alchimies. Grosso merdo c’est le côté artisanal. Ceci dit, on tient à garder un côté ouvert malgré la base fixe du trio. Par exemple, l’idée de jouer avec un cuivre sur une chanson ou deux ne nous déplairait pas.
C&O : Quel regard portez-vous sur le marché du disque ? L’évolution du métier de musicien sur la planète rock ?
L : Je ne m’exprimerais pas sur ce sujet (rires, antécédents judiciaires).
G : Perso, j’achète beaucoup de CD’s d’occasion, et pourtant je ne suis pas très attaché au marché du disque. Ce n’est pas forcément quelque chose de très parlant pour notre génération je crois.
N : Le marché ça pue, trop de poissonniers, trop de bouchers, chacun veut refourguer sa merde.
G : Nico, tu sors.
C&O : Alors, le premier album de Saint-Pétersbourg dans les bacs, c’est prévu pour quand ?
L : Il n’y aura qu’un gros bac.
G : On a commencé à bosser dessus dès la fin de l’enregistrement de l’EP en fait ! « Ain’t no rest for the wicked », comme dirait Cage the Elephant.
C&O : Sinon, le mot de la fin ?
L : Métaphysique.
N : Rock it.
G : Ce n’est que le début ! Et puis aussi shoutout à Triboulet du studio de la Trappe, qui fait un super boulot !
C&O : Merci à vous trois d’avoir pris le temps de répondre à nos quelques questions ! On vous souhaite tout le meilleur pour la suite de l’aventure Saint-Pétersbourg, dont on attend une nouvelle livraison de pied ferme !
G : Aiiiiiight !
L : Breh breh !
G : C’est un plaisir, merci beaucoup à toi !
N : Ouaip carrément ! A bientôt !
Propos recueillis par Philippe Vallin