Robin Foster – PenInsular II
My Dear Recordings
2018
Thierry Folcher
Robin Foster – PenInsular II
En 2013, Robin Foster publiait PenInsular, un superbe album dédié à sa terre d’adoption (la presqu’île de Crozon) et à ses habitants. Un album qui permit à cet anglais expatrié de conquérir un plus large public, séduit par les ambiances chaudes, aériennes ou nerveuses de ce mélange d’électronique et de post-rock tout à fait original. Le « son » Foster devenait reconnaissable et allait coller immanquablement aux paysages de cette pointe bretonne, devenue une véritable source d’inspiration. Début 2017, Empyrean dévoilait une facette plus rock et moins contemplative de sa palette musicale. Un album énergique qui traduisait une volonté de sortir du studio et d’aller à la rencontre du public. Après cette parenthèse fougueuse, Robin Foster a vraiment ressenti le besoin de revenir à l’aventure PenInsular. Il faut dire que le premier volet était bien court (32 minutes seulement) et avait un petit goût d’inachevé. PenInsular II (The Bridge) se présente donc comme une suite logique et, tout au long des 11 titres, on va retrouver la même atmosphère contemplative que sur le premier volume. Cependant, l’expérience Empyrean a fait du bien, et ce nouveau volet s’éloigne de cette impression d’illustration sonore qui faisait ressembler PenInsular plus à une B.O. de film qu’à un album de rock. On sent une plus grande maturité et une volonté d’humaniser la musique avec les apparitions de Madeline Anne et de Dave Pen au chant, ainsi que du retour de Steve « Smiley » Barnard aux percussions.
PenInsular II est donc un nouvel hommage appuyé à la presqu’île de Crozon et à la culture bretonne. La pochette nous fait entrevoir les haubans du pont de Terenez qui enjambe l’Aulne après la commune de Rosnoën (Rosloc’hen). On peut effectivement accéder à la presqu’île par différents itinéraires, mais celui qui vous amène à cette merveille architecturale est de loin le plus beau. C’est comme un passage magique vers un autre monde qu’il faut absolument franchir si vous passez par là. A part la petite introduction en anglais, les dix autres titres utilisent la langue bretonne et font référence à des communes de la presqu’île. « Intro (Where We Went From There) » qu’on peut traduire par : « où nous sommes allés à partir d’ici » démarre l’album en forme d’invitation au voyage. On va suivre alors l’itinéraire que Robin Foster nous a tracé depuis l’entrée « Terenez (Argol) » jusqu’au bout des terres « La Pointe (Kameled) ». Les trois premiers titres nous replongent avec délice dans l’ambiance retrouvée de PenInsular faite de nappes de clavier aériennes juste secouées par un post-rock délicat et ultra mélodique. Robin prend son temps, il veut profiter de chaque instant face à ces paysages entre terre et mer et nous invite à le suivre à son rythme. Si vous souhaitez aller à la rencontre de Robin Foster et mettre des images sur PenInsullar II, rien de mieux que de visionner le « road-trip » Au Bout Du Monde de Flore Mongin. Vous comprendrez peut-être mieux l’attachement que l’on peut ressentir pour cette terre et les gens qui y habitent. Le clip d’une vingtaine de minutes présenté en fin de chronique est vraiment le pendant visuel des deux albums et permet de découvrir un artiste en pleine communion avec son lieu de vie.
Retour à la musique avec « Ma-Unan (Ar Faou) » chanté et coécrit par Madeline Anne, un morceau présent sur l’EP La Forêt, publié en juin 2018. Sur ce mélange de trip hop et de new folk on s’aperçoit que le chant breton ne souffre aucunement de cet habillage inhabituel et donne à cette jolie ballade une originalité toute particulière. Ensuite, à l’image de ces paysages très changeant, « Trez Bihan (Terrug) » et « Kraozon » vont nous amener vers des contrées plus nerveuses et plus rythmées. On retrouve avec plaisir les boucles endiablées et les riffs appuyés d’Empyrean caractéristiques du côté pêchu de Robin Foster. Une nervosité bienvenue qui rend l’album plus équilibré et plus attrayant. Retour au calme avec « Aulne (Pont-Ar-Veuzenn-Kimerc’h) » porté par un jeu de guitare cristallin et répétitif rappelant par moment le Durutti Column de Vini Reilly. Puis c’est au tour de Dave Pen de nous surprendre dans un registre assez éloigné de ses prestations au sein d’Archive. Sur « The Island (Roskañvel) », sa voix est douce et apaisée même si, en arrière plan, on ressent une tension prête à exploser. Un superbe titre qui donne une toute autre dimension à l’album et se démarque définitivement de son aîné. Un album de rock, maintenant on en est sûr, et ce n’est pas « La Forêt (Landevenneg) » qui va changer cette impression. Un morceau également présent sur l’EP de juin 2018 et sur lequel les riffs puissants ressemblent aux éléments déchaînés venant frapper les falaises de la presqu’île. L’album entame sa dernière partie avec les boucles énergiques de « Lanvéoc (Lañveog) » et s’achève avec le surprenant « La Pointe (Kameled) ». Ce dernier titre de plus de dix minutes commence de façon assez classique entre piano et boucles pour s’interrompre longuement, laissant supposer un passage caché. En fait le morceau continue bel et bien dans un style crescendo proche d’Archive et signe une fin tout à fait originale.
PenInsular II (The Bridge) fait vraiment le lien entre PenInsular et Empyrean en empruntant les caractéristiques de l’un et de l’autre. Robin Foster a réussi, grâce à cette osmose, à produire son album peut-être le plus accompli et je suis maintenant très impatient de connaître la suite de ses projets. Comme lui, je me suis installé pas très loin de la presqu’île, dans un endroit unique et hors du temps (jusqu’à quand?) où il est encore possible de vivre en parfaite communion avec la nature et ses éléments. Je peux donc comprendre pourquoi un artiste y trouve son inspiration et éprouve ce besoin de le sublimer. PenInsular I et II, même en suivant des chemins différents, font partie à part entière du patrimoine musical breton et seront à jamais associés à cette terre du bout du monde.
Mon road trip préféré