Riversea – The Tide
Riversea Music
2018
Thierry Folcher
Riversea – The Tide
Dans l’univers du rock progressif, il existe une famille que l’on identifie à coup sûr. Un peu comme cette école de Canterbury où les Caravan, Soft Machine et autres Hatfield And The North étaient liés par un son et des structures musicales bien précises. Cette famille ne porte pas de nom mais ses membres sont unis de la même façon et se retrouvent la plupart du temps impliqués dans les différents projets des uns et des autres. Le Riversea de Mark Atkinson et Brendan Eyre en fait partie tout comme Tony Patterson, Lee Abraham, les cousins bataves de Nine Stones Close ou la figure Hackettienne de Nick Magnus. Tout ce beau monde réuni dans un même souci d’esthétisme qui donne à leur rock atmosphérique une marque de qualité immédiatement identifiable. Si vous aimez les belles compositions ciselées par des musiciens inventifs et soucieux du détail, vous passerez de longs moments au sein de cette famille vraiment accueillante. Mais surtout, vous découvrirez de véritables pépites musicales comme l’extraordinaire Northlands de Tony Patterson et Bredan Eyre, The Seasons Turn de Lee Abraham, One Eye On The Sunrise de Nine Stones Close ou bien N’Monix de Nick Magnus.
Mais aujourd’hui c’est Riversea et son deuxième album The Tide qui nous intéressent. La particularité de ce groupe, c’est qu’il prend son temps et fournit à Mark Atkinson et Brendan Eyre, ses deux membres fondateurs, la liberté de s’impliquer sur d’autres projets. Riversea ressemble à ces plats qu’il faut laisser mijoter longtemps, très longtemps pour obtenir la meilleure saveur. Et croyez moi, le fumet donne réellement envie de se mettre à table. L’histoire remonte en 2006, lorsque nos deux compères vont composer la toute première chanson et accumuler au fil des ans assez de matériel pour publier un album. Il faudra quand-même attendre 2012 pour que sorte enfin Out Of An Ancien World, un premier essai tout de bleu vêtu et bourré de belles choses. La voix suave de Mark Atkinson (quel chanteur!) et les superbes parties instrumentales de Brendan Eyre vont rapidement enchanter de nombreux admirateurs. Mais voilà, ces premiers pas prometteurs ne vont pas produire d’écho rapidement, et Riversea refera pendant six ans le même travail de préparation pour enfin proposer, en avril 2018, The Tide au public. Le somptueux emballage tout habillé de bleu est dans l’esprit du premier album et offre à Riversea une identité immédiatement reconnaissable.
Aux côtés de Mark et Brendan, le line-up s’est enrichi de David Clements à la basse et d’Alex Cromarty aux percussions. Puis comme sur le premier opus, on retrouve une pléiade d’invités comme Lee Abraham à la guitare, Tony Patterson à la flûte ou Olivia Sparnenn-Josh au chant. « The Tide », le titre qui ouvre l’album, nous replonge aussitôt dans l’univers bien connu de Riversea. La puissante intro floydienne puis la douce partie mélodique au piano et au chant vont vite rassurer les fans. L’écriture de Brendan est toujours aussi soignée et la voix de Mark qui rappelle un peu celle de Steve Hogarth en moins maniérée est particulièrement touchante. Vers la fin Olivia Sparnenn-Josh (Mostly Autumn) vient inclure des vocalises aériennes qui font s’élever le morceau encore plus haut. Quel début ! On s’est bien installé dans le confort douillet de cette musique qu’on adore avant que « Shine » ne vienne brouiller les cartes. Les riffs sont un peu plus appuyés et l’écriture alterne le feu et la glace. Belle surprise qui met en évidence une volonté d’innover et de ne pas reproduire le jumeau d’ Out Of An Ancien World. Les parties de guitare de Lee Abraham vont finir par nous sortir d’un contexte trop contemplatif et donner à The Tide une nouvelle dimension. Cela se confirme avec « Blasphemy » dont le propos traite de l’attentat terroriste de Manchester. Un morceau particulièrement poignant, traversé par des extraits de commentaires radio de l’époque. Riversea semble avoir mûri, mais pas de panique, on reste en territoire connu avec cette faculté de toujours privilégier la mélodie et les beaux arrangements malgré la noirceur des sujets abordés.
La suite de l’album va nous faire vivre d’autres belles émotions comme sur « Your Last Day », un smooth jazz délicat transpercé par un solo percutant de Robin Armstrong (Cosmograf). Les titres suivants, relativement courts pour du progressif, vont s’enchaîner dans des climats légers et atmosphériques (« Drowning In Vertigo ») ou carrément pop (« The Design »). La structure des morceaux est assez semblable et peut produire une impression de répétition plutôt gênante. C’est dans les détails qu’il faut chercher les moments de franche extase, sur une intro de piano, « Goodbye My Friend » par exemple, un backing vocal, «Your Last Day», un passage de flûte, « Uprising », ou un des nombreux solos de guitare. Lorsqu’on écoute Riversea, on se prépare pour un voyage feutré, teinté par-ci par-là d’éclats merveilleux. On en ressort apaisé et bien content de connaître tout ce beau monde capable de nous faire vibrer de la sorte. Même s’il faut attendre 2024 pour voir un troisième album débarquer sur nos platines, on sait pertinemment que d’ici là, on croisera Mark Atkinson, Brendan Eyre ou Tony Patterson sur d’autres projets. Il faut seulement être vigilant et bien cerner tous ces personnages.
Avec The Tide, Riversea a donné une suite de grande qualité au prometteur Out Of An Ancien World. Ce deuxième opus navigue entre continuité et petite aventure mais ne lasse jamais. Il ne manque plus que des témoignages sur scène plus fréquents pour qu’enfin cette famille de musiciens explose au grand jour. Elle le mérite bien.