PYT, l’alchimiste des maux
Dès la parution du premier disque de Galaad, Premier Février, en 1992, la prose inattendue du jeune chanteur et parolier Pierre-Yves Theurillat imposa son imaginaire original, bigarré, lettré et surtout diaboliquement divin, donc humain. Les textes de ces longs morceaux à tiroirs permirent donc de prendre acte de la naissance d’un nouvel auteur de taille dans le monde musical francophone, peu habitué à de telles audaces poétiques. Cependant, peut-être que l’essence même de ces premières semences ne correspondait alors pas encore au devenir de son créateur, obligé qu’il s’est ainsi senti de se dissimuler sous l’énigmatique pseudonyme de PiWhy ? La voix elle-même semblait hésiter entre tous les possibles, oripeaux de la jeunesse.
En 1996, Vae Victis, enfonce la plume. Que n’a-t-on pas écrit sur ce chef-d’œuvre, meilleur disque de rock progressif chanté en français jamais entendu ? La maturité faite œuvre d’art. L’unité de cet album doit autant à la qualité des compositions qu’à la puissance évocatrice de l’interprétation de ce grand poète qu’est indubitablement Pierre-Yves Theurillat, secondé par le fantôme de PiWhy ? et le plus quotidien Theut’, trois faces d’un même Janus. Trois facettes d’un seul homme. Qui sait déjà que ce sommet contient en germe la solitude de l’après.
L’implosion de Galaad était écrite. Pour Pierre-Yves, désormais amputé de ses doubles créateurs, la période de jachère durera bien trop longtemps. Plus de vingt ans. Le printemps 2010 verra sortir de studio un petit bijou tout doux : Confidences de mouches, de L’Escouade, groupe dont le nom joue de paronomase avec Galaad. Héritier sans porte-voix de son illustre passé, cet essai (unique pour l’heure) semble défricher des terrains moins accidentés, moins éloignés des travaux les plus acoustiques des mélodistes français que du rock progressif anglo-saxon. Comme si Souchon avait séquestré Ange dans l’arrière-boutique. L’auteur a vieilli, la vie l’a malaxé, sa voix s’est patinée à force de tours de piste sur terres gelées. Un retour en forme qui a peut-être surpris la frange la plus torturée du public du barde prévôtois. Assagi notre Pyt ?
Que nenni. Carnet d’un visage de pluie (2013) et Mon Grand Amer (2015), fruits savoureux de la création à quatre mains des anciens complices de l’ère Galaad, prouvent que Pyt et sa clique reviennent, et qu’ils ne sont pas contents ! Si les écrits n’ont jamais déçu, l’auditeur sera heureux de retrouver ces écrins musicaux, écumes des roulis de la grande époque, empoigner à bout de bras les maux que l’auteur sait si bien aider à muter en mots. Nectars divins qui font chaud au ventre. Et parfois froid dans le dos (« Une ombre »).
En 2017, Galaad se reforme, comme il se doit, car « Brenn reviendra ici-bas ». Vae Victis !
Christophe Gigon
Les commentaires de Christophe sont toujours des bijoux : ses mots activent tous les sens (papilles comprises).
Keep on, please !
Olivier