Propagandhi – At Peace
Epitaph Records
2025
Lucas Biela
Propagandhi – At Peace
Propagandhi surprend autant par sa longévité (bientôt 40 ans d’existence) que par sa musique (un punk qui prend depuis quelque temps une tournure progressive et métallique). Pourtant, ce n’est que récemment que j’ai découvert cette formation. En effet, le Youtubeur et guitariste Max Yme, membre de Crystal Throne, étant tombé en pâmoison devant la musique de nos Canadiens, cela a forcément attisé ma curiosité lors de la sortie de At Peace.
Les morceaux dépassant rarement les 4 mn, vous allez me demander comment leur musique peut être « progressive ». Un premier élément de réponse se trouve dans les ambiances. En effet, bien que nos compatriotes de Nomeansno clament haut et fort leur militantisme (ça vous parle, le véganarchisme ?), leur musique passe par un panel d’émotions loin de se cantonner à la colère. Oh bien sûr, l’urgence punk des débuts est présente. « Vampires Are Real » et « At Peace » par exemple marchent sur les pas d’un Exploited en pleine mutation thrash, tandis que « No Longer Young » ou encore « God Of Avarice » feraient presque penser à la rencontre fortuite de New Model Army et Bad Religion dans leurs moments les plus mélodiques. Ailleurs, cependant, ce sont des terres différentes que l’on foule. Ainsi, « Prismatic Spray (The Tinder Date) » propose, aux côtés du ton revendicateur, la surprise autant que l’introspection interrogative. De même, « Fire Season » surprend par son chant élégiaque. Ensuite, sur le volet musical, on pourra noter les changements de tempo, comme sur « Benito’s Earlier Work », où la prudence cède peu à peu à l’assurance quand l’espoir renaît. Dans le même esprit, « Cat Guy » suivrait le cheminement d’un chat qui hésiterait avant de se jeter sur sa proie. Plus loin, avec « Stargazing », de belles éclaircies tentent de faire front à une circonspection tapie dans l’ombre.
J’évoquais l’aspect « metal » toujours plus pregnant dans la musique de nos Nord-Américains, notamment l’orientation thrash. C’est vrai dans les morceaux sus-cités, mais également dans les clins d’œil à des formations comme Megadeth ou d’autres que je vous laisserai le soin d’identifier. Les riffs donc, puisque c’est d’eux qu’il s’agit, se rapprochent en effet de ce qui se fait dans le heavy metal. Ainsi, « Guiding Lights », dans un climat sombre, aime étourdir avec ses notes hypnotiques. « Cat Guy », à nouveau lui, appuie ses marches par des guitares à faire hocher de la tête. En revanche, « Something Needs To Die But Maybe It’s Not You » nous emmène dans une ballade doom où résonnent aussi bien l’émerveillement que l’effroi à travers la six-cordes à l’humeur résolument changeante. Et avec « Day By Day », l’amusement qui anime les riffs pris par ailleurs dans une spirale tétanisante a de quoi nous faire décrocher un sourire. Mais, fort heureusement, on est loin d’un pastiche. Toutes ces attaques de guitares servent un esthétisme à la croisée des chemins, un peu comme cherchait à le faire le thrash metal dans les années 80 en fusionnant vitesse punk et riffs NWOBHM. Il n’est pas étonnant dès lors que le groupe qualifie sa musique de thrash progressif.
A travers leur syncrétisme, Propagandhi parviennent à créer une musique aussi bien entraînante que captivante. Nos Manitobains perfectionnent leur vision architecturale d’édifice en édifice. Leur dernière construction en date, At Peace révèle en effet toute la passion et l’amour qu’ils vouent à leur art.
Crédits photo 2 : Greg Gallinger